Croissance, déficit : pourquoi Bercy ne peut plus afficher ce qui l'arrange

 Août 1992. Le ministre de l\'économie, Pierre Bérégovoy, prépare le budget pour l\'année 1993. L\'économie se porte à peu près bien, le début de l\'année a été correct, même si la croissance annoncée forte pour le début de l\'année, relève du trompe l\'œil : c\'est une année bissextile, d\'où un jour de production de plus au premier trimestre. Pierre Bérégovoy n\'hésite pas: il annonce 2,8% de croissance pour 2013.Au même moment, une crise des changes se déclenche en Europe, la livre sterling sort du Système monétaire européen, la récession se profile. Mais le ministre de l\'Économie n\'en démord pas: la croissance, ce sera 2,8%. Il consentira seulement quatre mois plus tard, en janvier 1993, à ramener sa prévision à une croissance inférieure à 1% , alors même que les économistes de marché prévoient tous une chute du PIB pour l\'année 1993. Bercy sous contrainteUn tel scénario est-il pensable aujourd\'hui ? C\'est sans doute par souci de sérieux budgétaire, mais aussi sous la contrainte, que Bercy affiche des prévisions de croissance jugées très prudentes, aussi bien pour 2013 (+0,1%) que 2014 (+0,9%). Elles déterminent des prévisions tout aussi prudentes en matière de recettes fiscales, et donc de baisse du déficit. Pression médiatique, nouvelles institutionsCertes la pression médiatique s\'est faite plus forte. Mais surtout, les institutions, qui ont largement évolué, ne permettent plus aux gouvernements d\'annoncer des prévisions selon leur bon vouloir. Pour résumer les choses crûment, Bercy ne peut plus faire n\'importe quoi.La commission européenne, qui publie tous les semestres des prévisions largement commentées, a pris un poids croissant, déterminant. Surtout, le pacte de stabilité (TSCG) impose la mise en place dans chaque pays d\'autorités indépendantes, chargées d\'avaliser ou non les prévisions gouvernementales.C\'est ainsi que s\'est installé au printemps le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant qui vient de se pencher sur les prévisions du gouvernement, tant en matière de croissance que de déficit, endettement, etc…Évaluer la cohérence des budgetsIl doit évaluer la cohérence du projet de loi de finances en regard de la programmation pluriannuelle des finances publiques. Et se prononcer clairement.Le Haut Conseil est composé de dix experts, dont quatre magistrats de la Cour des comptes, dont on sait que la préoccupation est d\'abord l\'équilibre des comptes publics. Il est présidé par le premier président de cette même Cour (Didier Migaud, actuellement).Lire aussi >> L\'organisation du Haut conseil des finances publiquesSon rôle n\'est que consultatif, mais ses avis, rendus publics, pèsent bien sûr dans le débat économique. Au-delà, le Haut Conseil est saisi chaque année au printemps du projet de loi de règlement du budget de l\'année précédente. Il est chargé d\'examiner si l\'exécution du budget correspond à la trajectoire pluriannuelle des finances publiques.Si le Haut Conseil estime que l\'écart important, il contraint le gouvernement à le justifier. Bref, ce dernier se trouve sous surveillance constante. Le volontarisme dans l\'affichage des prévisions de croissance n\'a plus cours.
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