Transsibérien des écrivains Baïkal, « l'oeil bleu »

Découvrir le lac Baïkal, chaque passager du Transsibérien Blaise Cendrars en rêve. C'est comme glisser ses pas dans ceux de « Michel Strogoff » de Jules Verne. « L'oeil bleu de la Russie » revêt un caractère sacré. Il est le père de tous les Russes (la Russie en est la mère). Pour aller à sa rencontre depuis Irkoutsk, il faut emprunter un car sur cinquante kilomètres, puis traverser l'embouchure de l'Angara en ferry, avant d'accéder au Circumbaïkal, sorte de micheline à deux voitures, qui relie Port Baïkal à Slioudianka. Le train longe au rythme de 20 km/h « la boucle ornée du tsar ». On appelait ainsi l'ancienne voie du Transsibérien car sa construction à partir de 1904 fut très périlleuse en raison du nombre de tunnels à creuser (pas moins de 36).En ce jour de printemps, la lumière est grise, légèrement métallique?; limpides sont les eaux de la plus grande réserve d'eau douce au monde (23.600 km3, soit 260 fois le lac Léman ou la totalité des cinq grands lacs américains réunis). Les guides affirment que l'on peut lire à 40 mètres une pièce de monnaie comme si elle était sous notre nez. Sur les montagnes alentour, la neige s'accroche aux sommets. Les cèdres vieux de 500 à 600 ans se mêlent dans la taïga aux mélèzes, aux bouleaux et aux peupliers. Ni vent ni vague, seules quelques mouettes argentées crient dans le silence. Les aigles impériaux, qui pourtant vivent ici en paix, demeurent invisibles. Les jarkis, les iris et les gentianes tapissent les bords de la voie. Le Baïkal est d'une tranquillité trompeuse, on pourrait croire qu'il en va toujours ainsi. Or, en hiver, lorsque le froid sculpte des pics de glace à la surface, ou même en plein été, sans raison apparente, parfois le Baïkal rugit?; est-ce l'activité tectonique qui réveille le plus vieux lac du monde (on estime sa formation à plus de 25 millions d'années)?? Les légendes foisonnent. Les Bouriates pensent que les montagnes et les vallées appartiennent aux esprits et qu'il ne faut pas les importuner pour vivre en paix. Ainsi, la coutume veut que, avant de boire un verre de vodka, on en jette un peu, dans les airs, avec son annulaire pour, ainsi, grâce à la « petite eau », s'accorder la grâce des dieux. Selon l'écrivain Valentin Raspoutine, les âmes sensibles voient surgir le royaume des fées dans le ciel du Baïkal, un bateau toutes voiles dehors mais aussi un château médiéval flottant dans les airs.Sur la genèse du lac, les scientifiques ne sont toujours pas parvenus à percer le mystère. Les nerpas, seuls phoques d'eau douce de la planète, attisent l'imagination?; ont-ils remonté les fleuves Ienisseï et Angara ou sont-ils les descendants d'espèces qui peuplaient cette mer intérieure à l'époque du tertiaire?? Aucune réponse tangible à ce jour.Sur les rives du lac, les petits cailloux en marbre blanc forment autant de talismans que les écrivains glissent dans leur poche. Les accompagnateurs russes l'ont prévu de longue date?; ils doivent honorer le Baïkal d'une baignade. Les plus courageux s'y mettent?; la température de l'eau caracole à 5 °C. Maylis de Kerangal, l'auteur de « Corniche Kennedy », bretonne d'origine, hésite un instant, et puis s'élance. Saut de l'ange dans le lac Baïkal, elle ne pouvait faire plus plaisir aux Russes. ? Demain?: Oulan-Oude.
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