Le pari chinois du foie gras Rougié

La Chine, sa grande muraille, la banlieue de Pékin à perte de vue... et ses canards français. En 2007, Euralis, leader mondial du foie gras, a racheté la ferme de madame Wang à 80 kilomètres de la capitale. Soixante mille canards mulards s'y ébrouent chaque année dans la boue. Après 77 jours d'élevage et 13 de gavage, ils finiront en escalopes de foie gras surgelées pour les plus belles tables de Pékin et Shanghai.Après la Bulgarie et le Canada, la Chine est la dernière terre de conquête du groupe Euralis (1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires), ou plutôt de Rougié, sa marque dédiée à la restauration. « Notre ambition pour Rougié est de passer de 77 à 200 millions d'euros de ventes d'ici à 2020 », explique le directeur général d'Euralis, Pierre Couderc. Pour le moment, la Chine est un micromarché de 150 tonnes environ, où le français, avec 30 tonnes, réalise 730.000 euros cette année, le double l'an prochain. Mais sa croissance, de 20 % en 2010, soit 20 millions d'actes de consommation supplémentaires, fait rêver. Plus d'un Français y a d'ailleurs déjà laissé des plumes. En 2006, la petite société Val de Luce a créé la marque Délice du Périgord, avant de se faire sortir par son partenaire chinois, une fois les savoir-faire assimilés. La même année, Delpeyrat s'est associé au chinois Jifa, avec l'ambition de faire 1.000 tonnes de foie gras en cinq ans. Il a jeté l'éponge face aux difficultés et faute de clients. « Ils sont venus avec leurs méthodes françaises et se sont adressés aux distributeurs avec une approche prix », commente le directeur général de Rougié, Brieuc Fruchon. Euralis, lui, limite ses ambitions (500 tonnes en 2020) et crée un contact direct avec les grands chefs occidentaux en misant sur la vitrine qu'ils représentent pour initier et séduire les chefs chinois. Partenaire localMais, pour eux aussi, les difficultés sont nombreuses. Outre les conditions climatiques (de ? 20°C à + 40°C, humide), le « turnover » des 53 salariés de la ferme dépasse 50 %. « Ils repartent dans les campagnes pour le nouvel an chinois et ne reviennent pas toujours », déplore le directeur de Rougié en Chine, Jean-Marie Vallier. La logistique est très chère aussi, faute de gros transporteurs frigorifiques. « Malgré les salaires bas, le coût de revient est le même qu'en France », indique Pierre Couderc. Le partenaire local est difficilement contournable pour obtenir le soutien des autorités. Madame Wang est une ancienne comptable du parti local. Euralis cherche deux ou trois autres fermes, notamment dans les régions de Shandong et Jilin, mais hésite à se lancer seul. « Le gouvernement peut à tout moment fermer un business », continue Pierre Couderc.Malgré tout, le jeu en vaut la chandelle. La marge de Rougié (environ 20 %) y est bien meilleure que dans la grande distribution française, où Euralis vend 180 millions d'euros de foie gras (moitié sous label Montfort et moitié en marques de distributeurs). En attendant, dans le restaurant Mr&Mrs Bund de Shanghai, quelques Chinois amoureux de la France commandent une escalope de foie gras pour le prestige. Les supermarchés restent une lointaine terre promise. Sophie Lécluse, à Pék
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