Le Chili face à l'histoire

Parler d'astronomie et des victimes de la dictature de Pinochet dans un même film, cela peut paraître hasardeux, voire hors de propos. Mais « Nostalgie de la lumière », le documentaire de Patricio Guzmán, réussit à tenir ce pari en proposant une vision toute personnelle sur le Chili d'aujourd'hui. Le réalisateur a posé ses caméras dans le désert d'Atacama, aux pieds de la cordillère des Andes. Ce vaste espace lunaire, aride et désolé, mangé par le sel, est le personnage central de ce film documentaire sur les disparus de la dictature de Pinochet. Guzmán a choisi un angle original pour aborder le sujet : celui de l'astronomie. Entre corps célestes et corps enterrés par l'armée dans le désert, il fait parler astronomes, archéologues et parents des disparus à la recherche d'ossements. Le rythme est lent, entre longs plans du désert, photographies d'étoiles et entretiens avec les « habitants » d'Atacama. Pour les astronomes, ce désert est une chance exceptionnelle d'observer la Voie lactée grâce à un climat aride et une altitude idéale. Le passé qu'ils interrogent remonte au big-bang, ils parlent en années-lumière. un deuil impossiblePour les archéologues, ce lieu est celui des civilisations antérieures et des ossements enterrés jusque dans les années 1970, que les recherches finiront par révéler. Enfin pour les « femmes de Calama », ces soeurs, filles et femmes de disparus, le désert est synonyme de douleur et de deuil impossible. Ces femmes, dignes et opiniâtres, sont les véritables héroïnes du film de Guzmán. Armées de pelles devant l'immensité de la plaine, elles cherchent inlassablement les restes de leurs parents, telles des glaneuses solitaires. Guzmán pose une série de questions : comment expliquer que le calcium qui constitue nos os soit le même calcium qu'on retrouve dans la composition des étoiles ? Pourquoi le Chili, qui dispose d'un des plus grands centres astronomiques du monde, enquête sur les confins de l'espace, mais pas sur les assassinats ordonnés par Pinochet ? Un film qui interpelle et nous ramène à notre propre perception du temps, de la mémoire. Francine Guillou
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