La justice conforte l'expertise privée

Dans des litiges complexes, le recours à l'expertise est le plus souvent nécessaire. Dans un contentieux civil ou pénal, une entreprise ou ses dirigeants ne peuvent pas se permettre de négliger cet aspect important. Elle a la possibilité de demander au juge de désigner un expert judiciaire. Mais elle a intérêt à ne pas négliger une autre option pour sa défense : l'expertise privée. D'autant que la justice n'hésite plus à reconnaître l'intérêt du recours à un expert privé. Dans un arrêt du 28 avril dernier, passé plutôt inaperçu, la chambre commerciale de la Cour de cassation a conforté cette pratique.Concrètement, la société CNH France a mis fin au contrat de distribution exclusive qui la liait avec une entreprise. Cette dernière et son dirigeant ont alors décidé de l'assigner pour ne pas avoir respecté le délai de préavis et causé ainsi un préjudice économique. Afin d'évaluer ce préjudice, l'entreprise demande à un cabinet d'expert-comptable de lui établir un rapport. Dans ce document, est prise en compte la marge brute annuelle moyenne durant la période d'insuffisance de préavis. La base de calcul retenue est assortie de documents comptables, notamment des bilans de l'entreprise victime pour les exercices 1994 à 1997. Libre discussionÀ l'appui de ce rapport d'expertise, la cour d'appel de Metz a condamné en décembre 2007 la société CNH France à payer la somme de 1,187 million d'euros à titre de dommages et intérêts. Celle-ci a décidé de contester devant la Cour de cassation un document établi unilatéralement par l'expert-comptable de la partie adverse. La haute juridiction n'a pas du tout suivi la société CNH France. Elle a considéré que le rapport de l'expert-comptable avait été soumis à la libre discussion entre les deux entreprises devant les juges du fond. Par conséquent, « la cour d'appel a souverainement apprécié la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et légalement justifié sa décision », a estimé la Cour de cassation.L'arrêt de la haute juridiction ne devrait pas laisser insensible les entreprises dans l'utilisation de l'expertise privée. Leurs avocats vont sûrement leur conseiller d'y recourir pour appuyer leur défense. Le rapport de l'expert privé ne doit toutefois pas être tendancieux mais être un éclairage technique basé sur des éléments objectifs. Il doit par ailleurs faire l'objet devant un tribunal d'un véritable débat entre les parties lors du procès. Sinon le fameux article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (soit avoir droit à un procès équitable) risque de ne pas être respecté.Avec la probable suppression du juge d'instruction, la procédure pourrait devenir davantage accusatoire en matière pénale. Le recours à l'expertise privée pourrait s'avérer très utile pour une entreprise dont la responsabilité pénale est mise à mal ou celle de ses dirigeants. Il est susceptible aussi de se révéler nécessaire dans les contentieux économiques ou financiers. Des exemples ? Un contentieux peut survenir sur les prix des cessions d'actions entre actionnaires d'une entreprise. Un rapport d'expert privé permet d'évaluer le préjudice des uns et des autres. Un conflit peut surgir entre une société donneur d'ordres et son sous-traitant, après que la première a décidé de rompre brutalement ses relations contractuelles avec la seconde. Une situation qui se rencontre notamment en période de crise économique. Pour évaluer son préjudice et agir en justice, le sous-traitant ne devrait pas occulter le recours à un expert privé. Frédéric Hastingscontentieux
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