L'éditorial de Philippe Mabille : des politiques moins nombreux, mieux payés

La France a parfois la démagogie facile. La question des privilèges des élites dirigeantes a été de tous temps, un sujet de révolution. Dans un pays qui a coupé la tête de son roi (et bien d'autres), évoquer la retraite (ou le salaire, cela revient au même) des hommes politiques peut vite sombrer dans le populisme. Les Français ont d'ailleurs le souvenir que l'une des premières décisions du quinquennat a été l'augmentation de 140% du salaire du chef de l'Etat. On peut en être choqué, mais il ne faut alors pas oublier que le prédecesseur de Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac avait un revenu nettement plus élevé du fait qu'il cumulait son salaire de l'Elysée avec les diverses retraites du fonctionnaire qu'il a été. A l'heure où l'on demande aux Français de renoncer à un de leurs acquis sociaux préféré, le droit de partir à la retraite à 60 ans, il n'est touefois pas illégitime de s'interroger sur l'effort que doivent faire, réciproquement, ceux qui vont voter la loi. Il y a quand même une certaine vertu à l'exemplarité. Un premier signal a été apporté lors de la réforme de 2003, lorsque députés et sénateurs se sont, tardivement et sous la pression du gouvernement Fillon, appliqués à eux-même l'alignement entre public et privé. En clair, ils ont retardé leur âge légal de départ à 60 ans. La moindre des choses serait que, désormais alignés sur le régime des fonctionnaires, ils suivent le même mouvement que le reste de la population si l'âge légal passe à 61, 62, 63 ou 65 ans. Le deuxième effort que l'on peut réclamer de nos élus est de tenir compte du fait que leur régime est subventionné par le contribuable. Soit directement, par le vote annuel d'un budget d'équilibre, pour les députés. Soit parce qu'il bénéficie, au Sénat, du parapluie d'une caisse interne gérée par capitalisation et sur laquelle Bercy, malgré des tentations, n'a jamais réussi à mettre la main (alors que celle des députés a été ponctionnée). Certes, il y a des risques à faire de la politique, le principal étant celui de ne pas être réélu. Le mécanisme de double cotisation des parlementaires vise à compenser cette précarité de carrière. Mais le rendement de leur régime est peut être un peu trop avantageux (avec un rapport de 1 à 6 entre cotisations versées et prestations reçues) même si l'on a supprimé la possibilité de cumuler sa retraite de parlementaire avec une retraite de fonctionnaire. Une hausse du taux de cotisation payé par les députés et les sénateurs ne semblerait pas trop cher payé pour montrer aux Français leur sens de l'intérêt général. Le gouvernement ne peut certes pas le leur imposer. Mais il ne faudrait pas que la séparation des pouvoirs se transforme en instrument corporatiste... qui ne ferait que renforcer l'antiparlementarisme, ce qui n'est jamais bon en période de crise. Mais la véritable source du problème est peut-être ailleurs. De même que le chef de l'Etat français est loin d'être le dirigeant le mieux payé en Europe, la classe politique dans son ensemble n'est peut-être pas rémunérée à la hauteur de ses responsabilités. C'est évident pour un maire, sauf pour les très grandes villes. Peut être que si la France avait moins d'élus, mais mieux payés et plus transparents, la relation entre le peuple et ses élites serait plus saine. 577 députés, même pour un pays aussi divers que la France, c'est beaucoup à l'heure de la rigueur. 36.000 communes, 100 départements, 22 régions, cet empilement administratif est peu propice aux économies. La droite et la gauche s'intéressent à cette question, mais avec des réponses différentes. Nicolas Sarkozy au travers de la réforme territoriale vise à réduire le nombre d'élus locaux en divisant par deux le nombre de conseillers territoriaux. La Gauche par le biais du projet de Martine Aubry voudrait interdire le cumul des mandats. Les deux projets soulèvent une même bronca parlementaire ce qui montre bien qu'on met le doigt là où cela fait mal. Certes, il y a un prix à payer pour la démocratie et les 500.000 élus de France ne sont pas des privilégiés. La plupart sont des bénévoles qui forment la colonne vertébrale de la République. Mais c'est aussi une source d'inefficacité, de confusion des compétences et de surcoûts qui aura du mal à échapper à une vraie inflexion de la dépense publique.
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