Médicaments : le juste prix de la santé

La perfide Albion a encore frappé. Cette semaine, le système de santé public britannique, le National Health Service (NHS), a accepté de rembourser l'Iressa, un médicament d'AstraZeneca contre le cancer du poumon. Mais le labo anglo-suédois fournira son produit à un prix fixe quelle que soit la durée d'usage par les patients. Il en coûtera 12.200 livres (plus de 14.000 euros) par personne. Mieux : pour les malades à qui il sera dispensé durant moins de trois mois, le traitement sera gratuit. Le principe est bien rodé : l'an dernier, toujours au Royaume-Uni, l'américain Celgene avait accepté de prendre en charge le coût de son produit contre le mélanome (Revlimid) au-delà de deux ans. En 2008, le suisse Roche alignait le prix de son anticancéreux Tarceva sur celui du Taxotère de Sanofi, soit un rabais facial de près de 15 %.Satisfait ou rembourséPour les observateurs, ces méthodes illustrent la pression croissante des pouvoirs publics vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, afin de contrôler au plus près leurs dépenses de santé. En France, c'est la performance économique qui prime, via des accords prix/volumes. « Mais, dans les hôpitaux privés, certains groupes n'hésitent pas à négocier des remboursements de traitements si ceux-ci ne fonctionnent pas chez certains patients », souligne un expert. Dans l'industrie, le Royaume-Uni est connu pour être le pays qui pousse cette logique au maximum : le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence), chargé de déterminer le rapport coût/efficacité des médicaments, est habilité à prendre en compte les « offres spéciales » proposées par les labos au moment de recommander ou pas un produit pour remboursement. "Cet accord assure que le NHS en aura pour son argent et lui permet de mieux prédire l'impact [du médicament Iressa, ndlr] sur son budget" ont expliqué, fort diplomatiquement, les dirigeants d'AstraZeneca.Pour la poche du maladeTous les labos ne sont pas aussi diligents. Faute d'accord avec le NICE, l'anticancéreux Avastin de Roche, l'un des plus vendus mais aussi des plus onéreux au monde (il a rapporté 4,3 milliards d'euros à son propriétaire l'an dernier), n'est pas remboursé par le système public. Les patients doivent recourir à une assurance privée, ou payer de leur poche, ce qui limite nécessairement les traitements. « C'est un grand dommage pour les malades britanniques, mais cela reste une exception. Des pays comme l'Australie ou le Canada se sont ravisés sous la pression de leurs citoyens et ont accepté de rembourser l'Avastin » a expliqué la semaine dernière Severin Schwan, le patron de Roche, de passage à Paris. Coût prohibitifDe nombreuses voix s'élèvent pour protester contre le coût de ces traitements : dans le cancer, ils vont de quelque milliers à 100.000 euros par an et par patient. Les labos l'ont bien compris, qui acceptent la plupart du temps de transiger avec les autorités de santé si cela leur permet de commercialiser leurs produits à plus grande échelle. Reste qu'en cas d'absence d'accord, il est bien difficile pour un gouvernement d'expliquer à ses malades qu'il ne considère pas "économiquement efficient" de prolonger leur espérance de vie ou d'atténuer leurs souffrances.
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