Picodon  : toujours les mêmes et si différents

Le lait des chèvres « saanen » ou de race locale qui parcourent les pentes sèches de Drôme et d'Ardèche n'est pas toujours dévolu à la fabrication du picodon étiqueté appellation d'origine protégée (AOP), logo européen qui a succédé en novembre 2009 à l'AOC Picodon. Néanmoins, ces petits palets de 5 à 7 cm de diamètre à la croûte fleurie blanc bleuté, affinés à partir de tomes de lait cru et entier, qui se vendent par centaines sur les marchés, surprennent et ravissent les papilles des amateurs de fromages de caractère. Et Ronsard déjà évoquait le « picaoudou » comme on dit en langue d'oc.Les locaux choisissent leur « chèvre » à l'oeil... Car ces connaisseurs savent tout de suite si la texture en sera cassante, le goût de noisette au rendez-vous. D'aucuns recherchent les fromages très secs presque noirs, d'autres apprécient les picodons méthode Dieulefit, affinés en cave humide, puis lavés avant d'y retourner.L'appellation reconnue à ce fromage dès 1983 a consacré le lien si difficile à mettre en fiches entre un terroir, son climat, sa flore... et un « petit chèvre » qui résulte d'un savoir-faire transmis de génération en génération de part et d'autre du Rhône. Car le picodon diffère d'un producteur à l'autre, parfois d'une semaine à l'autre. « S'il est fait de façon traditionnelle, il est changeant ; ma marge de manoeuvre est très étroite, il suffit d'un degré de plus à l'emprésurage », confirme Sylvie, productrice depuis une vingtaine d'années.Pourtant, ce lien à l'origine doit être à nouveau expertisé pour que l'appellation soit incontestable. Le syndicat professionnel travaille sur son dossier depuis dix ans pour retoucher légèrement son cahier des charges. Mais la bonne volonté d'une petite appellation semble ne pas peser lourd face à l'administration. Les contraintes paperassières fastidieuses pour les petits producteurs notamment pourraient menacer la vie de ce syndicat qui ne compte plus que 250 adhérents. En 2009, seulement 522 tonnes de Picodon AOC ont été commercialisées par 91 producteurs fermiers (109 tonnes) et 139 producteurs laitiers qui livrent à quatre entreprises fromagères (325 tonnes). Ce patrimoine fromager a fait moultes fois le tour de la Terre : le spationaute français Jean-Jacques Favier, grand amateur de fromage de chèvre, embarqua le picodon à bord de la navette « Columbia » en 1996. Dans le Sud-Est, on le déguste en fin de repas accompagné d'un verre de saint-péray (lire ci-contre), d'hermitage blanc ou de viognier. Chez Pic à Valence, il est servi avec une confiture ou bien du caramel au poivre ou des abricots secs.Louisette Gouverne, à Valence
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