L'empreinte sociale, nouveau pari de l'entreprise

La crise, de toute évidence, n'a pas dit son dernier mot. Les symptômes du mal sont toujours présents?: emballement de la finance en temps réel, écrasement de toute perspective de long terme, repli du chacun pour soi. Il y a un an, avec une dizaine de chefs d'entreprise réunis dans le collectif « Création de valeurs, pour un modèle de long terme » (*), nous avons fait un pari. Le pari que, dans ce contexte sans précédent, l'entreprise constitue un échelon d'action déterminant. Le pari qu'elle dispose, dans une économie toujours plus virtualisée, spéculative et court-termiste, de leviers pertinents et efficaces. Depuis presque un an, nous partageons nos visions, dialoguons sur nos pratiques, nos combats, nos échecs.Ces échanges réguliers ont permis de nourrir une réflexion autour d'un concept « d'empreinte sociale » de l'entreprise. Je suis persuadé que la prise en compte de la dimension humaine des activités économiques, dans et hors de l'entreprise, va constituer une nouvelle frontière de progrès social et de croissance. Toute entreprise peut se caractériser par trois empreintes?: une empreinte économique, sa rentabilité?; une empreinte environnementale, son action directe ou indirecte sur la biodiversité ou le climat?; une empreinte sociale, son impact sur son écosystème humain au sein comme à l'extérieur de l'entreprise. Et cet impact peut être, selon les cas, positif ou négatif.Positif, le combat d'Hermès,au plus fort de la crise, pour sauver ses sous-traitants et préserver, en France, des savoir-faire uniques. Positif, l'engagement de Danone, depuis des dizaines d'années, pour promouvoir une double performance économique et sociale. Positif encore, le pari jamais démenti de l'innovation chez Michelin, tant au niveau de Clermont-Ferrand qu'à l'échelon national et mondial. Négatif, a contrario, le pis-aller qui consiste, pour une entreprise qui n'aurait pas suffisamment anticipé l'évolution du marché, à se décharger sur Pôle emploi des employés dont elle n'a plus besoin.À l'évidence, l'empreinte sociale des entreprises est aussi diverse que leurs modèles économiques. Elle consolide pour chacune d'entre elles, à 360 degrés, l'ensemble des impacts mais aussi des paradoxes de son activité. Je revendique pour toutes les entreprises la mesure et la valorisation de leur empreinte sociale. Elle révèle en effet une richesse et un apport à la société qui vont bien au-delà de la valeur ajoutée financière.C'est un vaste chantier que de transposer ce concept idéal en véritable outil de performance. Cela implique de dépasser la pure mise en conformité des entreprises par rapport aux injonctions multiples, abstraites et déconnectées les unes des autres qui sont aujourd'hui leur lot. Cela permet d'éviter une perspective de stigmatisation pour privilégier une logique de progrès continu ainsi que la complémentarité des empreintes sociales d'entreprises partenaires ou géographiquement voisines. Nous parviendrons certainement à mettre en oeuvre cette nouvelle approche, tant la crise nous oblige à réinventer nos schémas de pensée.Aujourd'hui, l'économie se révèle comme un écosystème en interdépendance avec d'autres écosystèmes naturels et sociaux. Cette démarche réhabilite l'entreprise comme niveau premier de responsabilité entrepreneuriale et humaine. Modeste, elle n'en dégage pas moins de réelles marges d'innovation et d'action. Car revendiquer la responsabilité de l'entreprise en matière sociale, c'est avant tout prendre conscience qu'elle constitue, à moyen terme, une condition de sa performance et de sa pérennité. L'entreprise est un lieu de construction des personnes, un creuset de lien social?: si l'entreprise va bien, c'est la société qui s'épanouit. L'inverse est également vrai?: si l'écosystème se porte bien, c'est l'entreprise qui prospère. Au fatalisme éclairé, préférons le pari de l'action, le pari de l'entreprise?: misons sur le cercle vertueux de l'empreinte sociale positive?!(*) Le collectif réunit Philippe Carli, président de Siemens France, Jean-Pierre Clamadieu, PDG de Rhodia, Françoise Gri, présidente de Manpower France, Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de PriceMinister, Michel Landel, directeur général du Groupe Sodexo, Christian Nibourel, président d'Accenture France, Bruno Rousset, PDG d'April Group, François Séguineau, directeur général de Toshiba France, Arnaud Ventura, vice-président de PlaNet Finance et président du directoire de MicroCred, Martin Vial, directeur général du Groupe Europ Assistance.Point de vue de Christian Nibourel Président d'Accenture France
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