Gentlemen drivers, ou l'amour du 8 cylindres et de l'acajou...

La passion des automobiles anciennes ne s'explique pas. Mais lorsqu'on en devient la proie, c'est pour le meilleur. Rien ne remplacera l'odeur d'huile chaude d'une vielle Jaguar ou d'une Ferrari ressuscitée.
Une Jaguar Type E série 3 (1971-1975) | Photo: Wikipedia - Hisgett

Au dernier Salon Rétromobile, une Ferrari 250 California de 1959, ayant appartenu à Roger Vadim, est partie à 4,5 millions d'euros pour une estimation comprise entre 2,8 et 3,2 millions d'euros. Les années BB, Saint Tropez et le prestige de la voiture ont séduit les passionnés. Même succès pour une berline DS 23 à injection, vendue 187.000 euros. Comme un cabriolet. Estimée entre 50.000 et 70.000 euros, sans prix de réserve, cette voiture doit l'envolée de son prix à une restauration exceptionnelle entre les mains de Vincent Crescia, patron du Garage du Lac en Suisse. Là-bas, comptez trois ans d'attente et 120.000 euros de restauration pour une DS. Enfin, autre record, une 2CV a trouvé preneur à 60.000 euros... Même si une 2CV cote aujourd'hui plutôt entre 5.000 et 10.000 euros, une DS, 30.000.

Bien plus qu'une simple valeur refuge

Pourquoi un tel engouement ? Certes, une voiture de collection apparaît comme une valeur refuge à l'heure où la Bourse a des ratés. Mais l'idée de pouvoir profiter quotidiennement de l'objet aimé l'emporte de loin sur l'aspect financier. « Contrairement aux années 1980, cette fois-ci ce sont des passionnés qui font monter les enchères. D'ailleurs, on note en parallèle une recrudescence des courses historiques », analyse Matthieu, Lamour, directeur d'Artcurial Motorcars, spécialiste des ventes aux enchères de voitures de collection. Pour preuve, Ludovic Le Boeuf, 45 ans, PDG d'Alain Figaret. Il est tombé sous le charme d'une belle anglaise en 2009, une emblématique Jaguar Type E 3,8 litres de 1962. « Elle était complète, mais en pièces détachées, le pont arrière entouré de ronces, se souvient le dirigeant de la marque de chemises et autres cravates de luxe. Il a fallu 2?000 heures de restauration, réalisée par un spécialiste de la région parisienne, l'Atelier 46. » Aujourd'hui, Ludovic Le Boeuf ne rate pas un Tour Auto des voitures anciennes au volant de sa Type E gris métallisé. Il est vrai que la marque Alain Figaret est devenue, à son initiative, partenaire pour la quatrième année consécutive de cette course chic. Deux cent cinquante participants traverseront ainsi l'Hexagone du 17 au 21 avril. Une belle aventure, même si la voiture est « capricieuse, inconfortable, peu sûre » et s'il a « du mal à rentrer » dans un habitacle aussi minuscule.
Jean-François [NDLR : le nom a été modifié], juriste, 35 ans, roule indifféremment en... Type E, 504 cabriolet de 1973, Porsche 993 de 1997, Ferrari F 355 GTS également de 1997. Une passion de gosse, contractée notamment auprès de son oncle, « qui avait une collection d'une vingtaine de Jaguar et passait ses fins de semaines sur les circuits ». « Une collection, c'est souvent très générationnel, indique Matthieu Lamour. Ce sont des voitures dont rêvaient les parents, ou celles dont rêvait le collectionneur étant enfant. D'ailleurs, aujourd'hui, ce sont les voitures d'après-guerre qui ont la cote. Pas les Hispano ou les Rolls Royce, valeurs sûres de naguère. Denis Beaupeux, 65 ans, généalogiste, utilise Citroën Traction 15 de 1950, Citroën SM à moteur Maserati de 1971, Triumph TR6 de 1970, Jaguar Mark II de 1964. Il célèbre « l'odeur, le bruit, les sensations même sans aller très vite ».Aurélie Litzler, 57 ans, responsable des relations presse de Honda France, et Nathalie Geslin, son homologue de Suzuki France mais ex-Honda, 50 ans, ont, elles, acquis ensemble un minuscule... coupé Honda S 800 gris de 1968. Un « vrai kart, léger, hyper-maniable ». Avec elle, les deux copines ont fait la Coupe des Alpes 2011 des vieilles autos, dont elles ont remporté la palme de l'équipage féminin...Collectionneur de vieilles voitures, une passion de milliardaire ? Eh bien non ! Car tout dépend des modèles. « Une Jaguar Mark II en bon état, ça vaut de 30.000 à 50 000 euros. Pour une Citroën Traction, il faut compter de 25.000 à 30.000 », souligne Denis Beaupeux, qui explique : « Le budget est nettement inférieur à celui d'une belle voiture neuve. Et une ancienne ne se déprécie pas. » Quoi de mieux, alors ? « J'ai revendu, en 2007, 24.000 euros une 964 Carrera 2. C'est ce qu'elle m'avait coûté et elle avait 170.000 kilomètres, soit 20.000 de plus », précise Jean François. Aurélie et Nathalie, elles, ont acquis la S 800 15.000 francs il y a plus de dix ans (2.250 euros). « Le moteur était intact, mais... dans un sac, se souvient Aurélie Litzler. En dix ans, elle nous a coûté 15.000 euros en restauration-entretien. Mais on a fait 50.000 kilomètres. » Pas si lourd comme budget !

Pièces détachées et système D

Reste la question qui inquiète : les pièces. « Elles restent abordables chez Citroën, indique Jean-François. Pour une Jaguar, c'est plus cher. Il faut les trouver en Grande-Bretagne, où des artisans les fabriquent. » Pour une Honda, la chose devient compliquée. « Une ligne d'échappement coûte 1.400 euros. J'ai dû faire 6.000 kilomètres avant de dénicher des coupelles de freins », signale Aurélie Litzler. D'ailleurs, « on a dû parfois tricher, adapter des balais d'essuie-glaces de Simca 1.100, prendre des boulons d'anciennes Mini ». Quant à l'assurance, « pour une 504 cabriolet, c'est 350 euros par an, ma Ferrari, 1.000 euros. Pas excessif ! », souligne Jean-François.
Pour l'heure, « les Français fortunés sont encore très frileux, la voiture restant culturellement un signe extérieur de richesse. Ils leur préfèrent les ?uvres d'art », raconte Matthieu Lamour. Il voit ainsi de plus en plus de Russes dans ses ventes et quelques collectionneurs du Moyen-Orient, face aux Anglais, Grecs et Allemands. Dans l'Hexagone, les voitures de collection représentent 1 % seulement du parc roulant. Un bon tuyau : il faut désormais miser sur les années 1970-1980 en jetant son dévolu sur les Golf GTI, R5 Turbo, 205 Turbo 16, ou autres Lancia Delta. Jackpot assuré... dans quelques années.

Commentaire 1
à écrit le 20/08/2012 à 14:40
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La dernière phrase est une incitation à la spéculation, véritable insulte au véritable amateur.

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