Le haut débit doit être partout et pour tous

Par Guy Roussel et Bertrand Lacroix, respectivement président et vice-président du groupe de travail «Accès aux bandes basses» de la Commission consultative des radiocommunications.

Le président de la république l'a dit en mars dernier: «100% des Français doivent avoir accès à l'Internet à haut débit fixe et mobile avant 2012». Objectif auquel le secrétaire d'Etat à la Prospective et l'économie numérique, Eric Besson, a répondu en écho: «l'Internet haut débit constitue aujourd'hui, comme l'eau ou l'électricité, une commodité essentielle.»

Un premier pas essentiel vient d'être accompli avec la décision du Premier ministre de réserver une partie des fréquences dégagées par l'extinction de la télévision analogique pour permettre le développement d'une offre de haut débit mobile en tout point du territoire. Nous nous réjouissons que la France commence à se mettre sur la voie de l'Internet de demain. Mais n'oublions pas que, pour progresser, deux rails sont nécessaires?: l'Internet fixe et l'Internet mobile. Si la décision du Premier ministre permet de poser le rail assurant l'avenir de son Internet mobile, il lui reste encore à construire celui de l'Internet fixe. Sur ce «second rail», les enjeux sont d'importance. Tout d'abord, les besoins en débit des particuliers et des entreprises explosent.

Si aujourd'hui un débit de quelques Mbit/s (millions de bits par seconde) peut encore convenir au domicile ou dans l'entreprise, il faudra demain nettement plus. Depuis qu'Internet existe, le trafic augmente de plus de 50% chaque année. Il se crée sans cesse des applications nouvelles, toujours plus performantes, nécessitant des débits croissants. C'est pourquoi les experts prédisent que, dès 2011, les besoins en débit dépasseront plusieurs dizaines de Mbit/s pour les particuliers et au moins 100 Mbit/s pour les entreprises.

Comment de tels débits pourront-ils être fournis?? La fibre optique est l'une des réponses. Elle est un support idéal pour l'Internet du futur. Toutefois, pour des raisons économiques, elle ne pourra être déployée en dehors des zones urbaines, qui ne représentent que 32% du territoire. Quelles seront alors les solutions pour relier le reste du pays?? Certes, les réseaux ADSL et satellite y seront accessibles. Cependant, s'ils sont aujourd'hui considérés comme satisfaisants à de nombreux égards, ils s'avéreront, à terme, insuffisants pour répondre à l'évolution des besoins en débit et en interactivité.

Comme l'a démontré le groupe de travail de la commission consultative des radiocommunications, la seule solution pour fournir du très haut débit dans les zones peu denses et rurales consiste à mettre en ?uvre de nouvelles technologies utilisant des «fréquences basses», offrant d'excellentes qualités de couverture. Toute autre solution ne serait ni viable économiquement, ni acceptable par les populations.

Où trouver et comment dégager de telles fréquences?? L'extinction de la télévision analogique, prévue à l'horizon de 2011, offre une opportunité unique pour en libérer une quantité importante. Le Premier ministre vient de décider d'en attribuer une partie à la diffusion audiovisuelle et une autre à l'Internet à haut débit mobile. Il suffirait alors d'octroyer un complément à l'Internet fixe. Seulement 10% des ressources libérées seraient suffisants. Cela est peu et pourtant capital. Dans le cas contraire, il ne serait pas possible de fournir l'Internet du futur hors des zones denses pour les décennies à venir.

Nous refusons d'envisager l'échec pour ce «second rail», tant les conséquences pour les zones peu denses et rurales seraient catastrophiques. Les habitants qui y résident seraient privés des services prioritaires comme l'e-santé, l'e-administration, l'e-commerce, le téléenseignement ou le télétravail. Sans accès Internet haut débit, les entreprises, notamment les PME, les professionnels, les administrations ne pourraient plus poursuivre leurs activités. Nos campagnes se désertifieraient plus encore.

Que ce soit pour les réseaux routiers, ferroviaires, d'eau potable ou d'énergie, la France a toujours réussi à se doter d'infrastructures modernes, accessibles à tous et en tous lieux du territoire. Nous pensons qu'elle est capable d'une volonté identique pour relever les défis des réseaux de l'Internet du futur. Les responsables politiques sont en train de prendre des décisions qui vont dans la bonne direction. Mais n'oublions pas que l'Internet haut débit avance sur deux rails ? mobile et fixe. Si l'un des deux venait à manquer sur la plus grande partie du territoire, notre pays risquerait alors de dérailler et de basculer, non plus dans une « fracture », mais dans une véritable «cassure numérique».

 

Contre la crise, Internet, Internet, Internet !
Il n'était pas prévu que la présentation, aujourd'hui, du plan numérique 2012 ait lieu au c?ur d'un tourbillon économique qui mobilise la planète entière. Cette coïncidence dramatique est aussi une extraordinaire chance car c'est en ces moments d'incertitude et de bouleversements que s'accomplissent des changements et des prises de conscience que la banalité des jours précédents rendait impensables. Le choc actuel va accélérer comme jamais la révolution de l'Internet en cours. La crise supprime le luxe de continuer à vivre comme en 1990. Elle oblige à s'adapter dans l'immédiat. Le réseau et ses fabuleux gains de productivité vont s'imposer de fait dans tous les secteurs de l'économie. Le réseau était périphérique à la stratégie industrielle, à la réflexion politique?: il devient soudain central. L'Internet et sa principale source de valeur ajoutée, le code des services informatiques en ligne, sont parmi les leviers essentiels de notre croissance de demain, de notre reconquête. Une nouvelle génération d'entrepreneurs de talent de tous horizons porte les quelques succès français de niveau mondial?; de nouvelles entreprises créatives émergent sans cesse. Voilà nos meilleurs atouts et, ici, l'intervention du président est décisive. Nous attendons une politique industrielle de l'Internet qui fédère et consolide cet écosystème porteur d'avenir.
La crise permet de réfléchir en grand, la crise permet aux pouvoirs publics de jouer un rôle moteur et structurant. Il ne faut pas laisser passer cette opportunité. L'enjeu est notre industrie numérique, notre souveraineté numérique. C'est le moment de faire fort. Dans toutes les grandes nations, l'économie numérique sera une des raisons du rebond, de la prospérité retrouvée. Et c'est maintenant que cela se décide. A la différence de la Corée ou des Etats-Unis, la France n'avait pas jusqu'à présent de politique industrielle de l'Internet. Grâce à la secousse actuelle, nous pouvons rattraper notre retard et faire mieux. Et puis, la crise c'est le moment de l'imagination. Les conservatismes sont à terre et l'on écoute les créatifs. Plus notre Internet sera fort, plus chacun, avec son idée, avec ses moyens, en se branchant sur le réseau pourra dynamiser notre économie. Le pouvoir politique a su montrer ces derniers jours sa détermination à réparer le passé, le discours de ce matin montrera son engagement à construire l'avenir.
Pierre Bellanger, PDG de Skyrock

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tout cela est fort intéressant, et sans aucun doute utile à une croissance limitant les déplacements polluants et coûteux, mais cela semble contradictorie avec la future loi Hadopi. Cette dernière risque en effet de faire interdire d'accés Internet ...

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