Audiovisuel : tout ce qui manque à la réforme

Point de vue du club Galilée sur le projet de loi sur l'audiovisuel public qui est présenté ce mercredi en conseil des ministres. Le Club Galilée est un «think tank» sur les médias créé en mars 2006. Il rassemble plus de 250 professionnels des médias, appartenant en particulier aux jeunes générations de responsables, producteurs, diffuseurs, auteurs, réalisateurs, travaillant dans l'audiovisuel pour la télévision et le Net.

Dans quel univers audiovisuel nous situons-nous?? Celui de la convergence numérique entre audiovisuel et télécoms. Tous les grands groupes audiovisuels privés ou publics sont amenés à réfléchir à cette articulation entre images et réseaux. Or, la question mérite d'être versée au débat de la réforme supprimant la publicité sur les chaînes publiques lancée par le chef de l'Etat.

France Télévisions et Orange sont deux grands groupes dont l'Etat est actionnaire. Le premier est à court de ressources, le second en dispose à foison. Pour devenir média global, le premier doit apprivoiser Internet, au moment où le second investit massivement dans l'audiovisuel. Il manque environ 500 millions d'euros de financements à France Télévisions, là où désormais Orange investit annuellement cette somme pour nourrir des chaînes nouvelles. Qu'il faudra des années pour imposer sur le marché?!

Le bon sens ne serait-il pas de décider que ces développements numériques doivent être réalisés en commun?? Pourquoi ne pas s'être donné cette stratégie comme axe et en avoir étudié les conséquences sur les plans éditorial, juridique et social?? Quitte à faire une réforme, donnons-lui une perspective forte.

Deuxième point?: la relation entre le service public de l'audiovisuel et les citoyens. Il est frappant de constater à quel point cette relation s'est distendue au point de compliquer la question de l'évolution de la redevance. Certes, le téléspectateur, absent des réflexions menées, se sent étranger à un service public capté par les professionnels et les politiques. Regardons les exemples étrangers, en particulier là où la redevance est la plus élevée. En Angleterre et en Allemagne, on constate que la société civile et ses différents représentants associatifs sont fortement présents dans les instances de contrôle du service public audiovisuel. En France aussi, il serait nécessaire de construire un nouveau contrat social entre le service public de l'audiovisuel et la communauté nationale.

Troisième point?: on se trompe de schéma d'organisation et le projet aujourd'hui sur la table est dangereux non seulement pour le groupe France Télévisions mais aussi pour le secteur. Oui au média global, oui à la simplification d'un groupe avec plus de quarante?filiales, mais pourquoi l'entreprise unique?? Il existe d'autres schémas tout aussi performants que cette vision simpliste pour permettre les synergies et les économies d'échelle nécessaires. Poussant à l'excès le concept d'entreprise unique, le projet prévoit un centralisme éditorial très préoccupant. Que le service public, dans la compétition actuelle, soit conduit à regrouper ses forces et ses moyens, oui?! Mais les directions éditoriales par genre, travaillant pour toutes les chaînes, ce n'est pas la bonne solution, parce que ce sont les chaînes qui portent les marques et les valeurs éditoriales.

C'est avec les chaînes que les téléspectateurs ont rendez-vous. Une chaîne de télévision, ce n'est pas un tuyau dans lequel seraient diffusés des programmes. C'est un univers à préserver, à développer ou à créer, qui demande une vision spécifique, même s'il s'inscrit dans une stratégie éditoriale globale. Le même homme peut-il concevoir chaque jour une fiction sur RFO Polynésie, le feuilleton de France 3, la série de France 2, le docu-fiction de France 5?? Il faut au contraire des responsables éditoriaux véritables, dotés de budgets et d'orientations claires, mais libres d'agir au mieux?! Le service public a plutôt besoin de retrouver l'envie d'innover, le sens des responsabilités, une organisation qui privilégie une taille humaine, non une hiérarchie verticale écrasante. Il croule déjà sous les contrôles, il faudrait libérer les énergies?!

Les producteurs et les auteurs ont aussi besoin de garder une pluralité d'interlocuteurs responsables et imaginatifs, non un unique décideur débordé par l'ampleur de sa tâche. La maîtrise de la complexité est le seul gage de réussite éditoriale.

Enfin quatrième point?: l'ambition éditoriale. Quand on parle du service public et d'une nouvelle ambition, on parle tout de suite de « culture ». Comme si tout tenait à cela?! Bien entendu, la culture fait partie des missions et de la spécificité de la télévision publique... Mais c'est loin d'être le seul enjeu. La préoccupation majeure que nous devrions avoir, c'est le vieillissement du public du service public et le décrochage entre les chaînes publiques et la société, dans sa diversité sociale et humaine.

La question centrale en matière éditoriale n'est donc pas la «culture» mais la «modernité», la capacité de répondre aux attentes de la société d'aujourd'hui pour retisser le lien social autour de valeurs partagées. Le service public a besoin dans ses contenus de renouer avec notre quotidien pour incarner notre avenir. Il a aussi besoin d'innover dans ses formes et formats pour épouser les nouveaux modes de consommation (Internet, chaînes thématiques, télés de poche). Tout ne se passe plus sur les vieux réseaux hertziens...

Comment répondre, sinon, aux interrogations de toutes les générations qui constituent la société française... Répondre à des questions neuves, dans des formes innovantes, c'est certes plus difficile que de conforter de vieilles certitudes?! Mais c'est indispensable.

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