La relance certes, mais quel type de relance ?

Par Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes.

Les 1.000 milliards de dollars de financement des relances à l'échelle mondiale seront, si ce n'est pas déjà fait, très rapidement atteints. Les plans nationaux, coordonnés ou non, vont se succéder à un rythme accéléré. Il n'y a donc plus, heureusement, de débat sur les risques évidents de récession mondiale profonde, ni sur la nécessité de soutenir l'activité, de maintenir un minimum de croissance, et d'éviter surtout une détérioration brutale des marchés du travail.

Quatre questions se posent, pour lesquelles les réponses détermineront largement la durée de cette période de récession et l'issue de la crise. Une fois encore, le pire n'est jamais sûr. Tout d'abord, l'ampleur du financement global, notamment pour les Européens et pour les Américains : les chiffres avancés aujourd'hui sont vraisemblablement sous-estimés, mais là, faisons confiance au principe de réalité et à la réactivité des gouvernements occidentaux depuis trois mois.

Le second sujet porte sur la nécessité d'une coordination entre grands pays. Bien entendu, elle est souhaitable, mais elle n'est pas la solution miracle à tous les problèmes et elle ne peut pas être le critère ultime de toute mesure. Le problème européen est d'abord de convaincre l'Allemagne d'être plus audacieuse, plutôt que de privilégier les mêmes mesures en même temps dans les vingt-sept pays de l'Union européenne, comme cela a été mis en avant par l'institut Bruegel à propos de la baisse uniforme de TVA en Europe. On voit bien qu'à ce moment-là l'aspect positif de la méthode coordonnée peut comporter une difficulté, celle de privilégier une politique de la demande par rapport à celle de l'offre.

C'est justement là que se trouvent posées les troisièmes et quatrièmes interrogations : que faut-il mettre dans les politiques de relance et comment faut-il les financer ? A ces questions clés, je dirais que les réponses doivent être très innovantes, liant contenu et financement. Bien entendu, les déficits budgétaires seront plus élevés que prévu. Bien entendu, la dépense publique traditionnelle peut jouer un rôle majeur pour le maintien du pouvoir d'achat. Mais ce n'est pas approprié pour une politique très réactive et de grande ampleur. Tout simplement, parce que, même si l'Etat est garant, comme on vient de le voir depuis ces derniers mois, des équilibres macroéconomiques, évidemment, les administrations ne peuvent pas à très court terme recueillir et surtout dépenser des sommes considérables, ni lancer des investissements, piloter des actions qui nécessitent une formidable réactivité et adaptabilité. Le système bancaire ne sera pas non plus l'élément moteur des douze prochains mois.

Tout doit être fait pour qu'il maintienne sa capacité de financement, ce qui est déjà un objectif ambitieux, mais ce n'est pas là qu'on pourra dégager les dizaines de milliards d'euros nécessaires au maintien de l'activité en France. L'objectif est donc de mettre en place des circuits de financement courts et efficaces mobilisant de l'épargne privée à destination du système productif.

Sur ce plan-là, la création du fonds stratégique d'investissement national est une bonne illustration par sa méthode, son objectif et son ordre de grandeur. Tous les économistes soulignent que la principale raison de la crise actuelle est liée à l'excès de liquidités à l'échelle mondiale ; et ceci est parfaitement exact. Il faut donc permettre à l'emprunt, par de multiples canaux financiers, d'intervenir dans des activités économiques particulières, logement, infrastructure, énergie, université, recherche et toute autre forme de services collectifs indispensables pour recréer de la productivité dans notre pays. Il s'agit donc d'une collecte d'épargne privée pour financer des biens et services, rémunérée, comme il se doit, par des loyers.

On le voit, c'est là où ces relances, notamment en France, doivent s'appuyer sur de profondes révolutions intellectuelles : permettre de financer la croissance à travers des emprunts destinés à des biens et services, largement produits sur place, et cela en faisant bouger les frontières entre le public et le privé. A titre d'illustration, peu importe que les murs des universités appartiennent ou non à l'Etat.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Cette démonstration nourrie avec méthode et modération indique : Une situation paradoxale imposant des choix ; l'excès de liquidités est la cause admise de la crise d'une part et d'autre part , il faudra relancer l'économie avec un volume de capita...

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