Plan de relance Sarkozy : une chance historique manquée

Le plan de relance de Nicolas Sarkozy a très peu de points communs avec celui annoncé par le président américain Barack Obama. Le président français n'a pas compris la nécessité de préparer l'économie post-pétrolière en investissant dans la reconversion écologique. En favorisant les anciennes industries, ce plan de relance ne produira que des effets modestes et de très court terme, estime Corinne Lepage, ancien ministre, présidente de CAP 21, vice-présidente du Modem.

Le plan de relance annoncé par le président Sarkozy apparaît comme une chance historique gâchée. Tout d'abord, comme de nombreux commentaires l'ont souligné, il ne s'agit pas d'un plan de 26 milliards d'euros nouveaux, mais de 4 milliards, les autres dépenses étant déjà programmées ou dues en toute hypothèse. Surtout, ce plan reste marqué par une conception très court-termiste et sans vision d'ensemble. Il contraste avec le plan annoncé par le futur président Obama qui est porteur d'un projet global : la mise sur orbite de l'économie post-pétrolière.

Le plan Sarkozy ne s'attaque pas au fond du problème. La prime de 1.000 euros à la casse en est une parfaite illustration. En effet, cette prime payée pour l'acquisition d'une voiture émettant moins de 160 g de CO2/km va sans doute permettre de vider les stocks, mais ne va en rien permettre la reconversion écologique de ce secteur industriel. Dès lors, comme l'a déjà annoncé Carlos Ghosn, cette prime permettra de moins licencier mais ne sauvera pas les emplois d'aujourd'hui et encore moins ceux de demain.

Or c'est de cela dont il s'agit. Traiter le volet social de la crise économique tout en fléchant la relance vers un "new deal" vert. Le doute que tel soit l'orientation choisie est d'autant plus permis que, si la croissance verte a fait couler beaucoup d'encre et a donné lieu à de belles envolées lyriques, les faits ont la vie dure, et la réalité des décisions concrètes est sans rapport avec cet objectif pourtant indispensable. Une impression de confusion et de contradiction est indéniable. Où est la logique entre la relance autoroutière et l'encouragement à l'achat de véhicules sans bonus, alors que les Français réduisent l'usage de la voiture et y sont incités sur un plan général ? L'OIT voit dans le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique une source d'investissement et d'emplois verts. Mais rien n'est prévu dans le plan de relance à ce sujet, et les sénateurs suppriment l'obligation de sobriété énergétique pour bénéficier des prêts à taux zéro.

Plus grave encore, la violence des attaques lancées par le lobby nucléaire contre le développement de l'éolien, accusé de tous les maux, aboutit à créer en France la législation la plus ubuesque du monde pour installer des éoliennes. Sans doute, l'éolien présente des inconvénients, mais toutes les énergies en ont, à commencer par le nucléaire qui est antinomique avec un développement soutenable pour la double raison qu'il utilise des matières premières non renouvelables et qu'il lègue aux générations futures des déchets d'une dangerosité sans comparaison possible. Mais comment prétendre encourager l'éolien, quand en réalité on multiplie les obstacles à son installation ?

Quant au solaire apparemment favorisé, il ne l'est que dans la mesure où il n'apparaît pas menaçant pour le nucléaire. Car la maturité de la technologie est moindre pour produire de grande quantité d'énergie, ce qui n'est pas le cas de l'éolien. En revanche, pour ce qui est mâture, comme le photovoltaïque, le changement du prix de rachat de l'électricité pour le tertiaire anéantit, comme par hasard, la rentabilité des projets en cours.

Enfin, la volonté de la majorité de favoriser le chauffage électrique d'origine nucléaire dans les habitations s'inscrit aussi en faux avec l'essor des bâtiments à basse consommation, a fortiori à énergie passive ou positive. En définitive, tout se passe comme si le choix avait été fait non pas de pousser l'industrie verte, mais au contraire de continuer à soutenir les industries à bout de souffle ou condamnées du XXe siècle, au lieu d'encourager leur reconversion et de soutenir les nouvelles technologies.

Or le plan de relance, bien loin de tracer une voie nouvelle, ne fait qu'ajouter de la confusion en distillant l'effort. Cette orientation condamne à moyen terme notre population à un chômage croissant même après la reprise mondiale qui viendra, parce que nous n'aurons pas une offre correspondant à la demande mondiale. Faute d'avoir compris qu'il fallait investir dans la reconversion écologique, le plan de relance et la politique effectivement suivie ne produiront que des effets modestes et de très court terme. On aurait attendu des investissements massifs dans les nouveaux modes de transport, en particulier les centrales de mobilité et l'autopartage, l'habitat économe et l'efficacité énergétique à tous les niveaux, permettant à une économie nouvelle de se développer.

Une telle politique aurait nécessité un fléchage des crédits sur les écotechnologies, une politique de formation des personnels pour s'adapter aux nouveaux métiers, un effort massif en termes de recherche-développement et une aide à la reconversion. Le Grenelle de l'environnement avait là une chance de se concrétiser. Il l'a perdue au moment même où la réduction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) rend très aléatoire le financement des mesures annoncées.

En faisant un choix contraire qui satisfait les grands lobbys en place, nous pérennisons un rapport de forces au sein du monde économique qui rend quasi impossible la croissance des entreprises représentant les nouveaux secteurs, a fortiori leur capacité à peser en faveur d'une accélération du changement.

En effet, tant que le nombre de personnes employées dans les secteurs anciens sera infiniment supérieur à celui des personnes employées dans les nouvelles technologies de l'environnement, les choix se feront en faveur du passé et non du futur. Le serpent se mord la queue ! Au lieu d'utiliser la crise actuelle pour changer de braquet, nous maintenons le cap ancien. Nous étions déjà en grande difficulté du fait de l'inadaptation de notre offre. Nous perdons une chance historique d'utiliser l'opportunité de la relance pour doper l'industrie française du XXIème siècle.

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Commentaires 22
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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SARKOZY ne comprend rien à l' économie. C' est un nullatre

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Corinne Lepage ressemble trop à tous ces politiciens frustrés par leurs echecs. Certes ce plan n'a pas l'envergure de celui des USA, mais peut-on comparer les situations européennes et américaines. Et notre position actuelle ne nécessite-t-elle pas u...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Madame Lepage parle comme un livre, quand le temps est à se retrousser les manches et à ce que chacun apporte humblement sa pierre à l'édifice. Serait-elle davantage portée à "démolir" ? On sait généralement des femmes qu'elles ont les pieds sur terr...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Madame Lepage doit habiter dans un beau quartier sans nuisances. Confrontée à des installations d'éoliennes sans concertation par les élus, elle réagirait différemment.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bonjour, Je viens de lire 2 articles édité par Mme Corine Lepage, l'un sur la relance l'autre sur la crise de la jeunesse. Je suis en totale acord avec ses analyses. J'irais même plus loin. Lors de la crise de 1974 soit plus de trente ans en arr...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Messieurs, vos commentaires ne seraient pas un peu tintés de misogynie ? Vous conviendrez que le plan Sarkozy, avec ses 26 milliards d'euros, est bien court. Ce n'est pas ça qui relancera la machine !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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oui, il existe une alternative aux vieux schémas ( éculés et anti-productifs) - oui le déréglement climatique est patent - le refus des 4X4 est conscient - oui le déclin du pétrole va commencer et alors, nous allons rester passifs ! pour ce qui est ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bonjour, Je suis heureuse de lire un article extremement clairvoyant de Corinne Lepage. Effectivement, la crise financiere est un moment clé pour lancer de grands projets d'investissements dans l'économie post petrole : eolien, solaire, renouveau n...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La lecture des articles est affilgeante...ne fait rien et tu seras largement critiqué, fait ce qui est possible, même si ce n'est pas forcément que des bons choix et de toutes façons tu seras critiqué. Ce mal est bien français malheureusement...j'inv...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les propos de C. Lepage ne peuvent être pris en considération car elle est personnellemnt intéressée par les éoliennes. Son cabinet d'avocats défend systématiquement les promoteurs éoliens dès qu'il y a une procédure.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Corinne Lepage a raison de critiquer le mini plan de relance français car il est à côté de la plaque!tout ça pour ça?!!De vieilles recettes éculées qui ne feront que freiner le développement de l'industrie verte, un tel manque d'ambition est sidérant...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Madame Corinne Lepage à bien changer de Cap! Je vous ai connue première adjointe au Maire de Cabourg, vous aviez à l?époque les dents moins longues que maintenant et je regrette beaucoup que vous soyez accoquinée avec tous ces personnages du SER...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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jo22 à écrit: on ne peut pas être Président de la République et être intelligent: ça pose question pour les électeurs: comment faire? comment avant les élections détecte - t-on l'intelligence d'un candidat? jo22 doit bien avoir des tuyaux là-dessus,...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Corinne Lepage a eu raison de souligner le contresens en matière d'ENR et surtout d'éolien. Il faudra en sortir, messieurs les présidents (n'oublions pas Giscard qui est contre le solaire le 12 novembre au matin et pour (parce que contre l'éolien) l...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je partage les orientations économiques de Corinne Lepage vers un développement durable. A force de non investissements dans l'après pétrole et de gains financiers à courte vue, l'industrie automobile s'est mise dans une impasse. Je déplore cette sit...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci d'avoir souligné que le plan n'est pas de 26 milliards. Les sommes dûes (peut-être payées quelque semaine plus tôt) ne constituent pas des engagements nouveaux (sauf à considérer qu'il avait été décidé de ne pas honorer les engagements...). Que...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le propos de Corinne Lepage est le constat d'une réalité : la France s'enlise dans le pétrole et n'investit rien pour palier sa disparition programmée. Bien-sûr, c'est difficile, mais les considérations de bénéfices et de monopoles (privés de surcroî...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis d'accord avec Mme LEPAGE pour la nullité du Plan de financement de l'automobile car les constructeurs ne cherchent qu'à dégorger leurs stoks de véhicules et qu'au lieu de se lancer dans la recherche de nouvelles technologies ils délocaliseron...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Corinne LEPAGE pro USA ? pro lobby eolien ? (c'est une accusation personnelle); critique sans être constructive ?... Corinne LEPAGE propose d'écouter et voir de façon globale les enjeux environnementaux, sociaux, et économiques. A partir de là, mett...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Bonjour, En effet, je ne fais pas partie des gens qui regrettent leur choix. Faire de la relance sur un modèle de société dépassé. Cela me dépasse. Pour carlottarel ! Sloggan de 1974 : "La France n'a pas de pétrole mais elle a des idées". O...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les chiffres sont accablants : la balance commerciale du pays est le reflet de l'obsolescence avancée de son offre. Un petit pays comme le Danemark exporte plus en valeur d'éoliennes que la France de centrales nucléaires. Cette vérité est dure à acce...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Très intéressant aussi le passage sur l'amendement Ollier dans la contribution de C Lepage parue le 28 janvier (in La mort programmée du Grenelle de l'environnement)... Où il est question de dissuader la construction de bâtiments à énergie positive o...

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