L'Europe après Sarkozy

Par Alain Lamassoure, député au parlement européen.

Etant désormais privée de la légitimité donnée par la présidence de l'Union européenne, la France doit trouver des moyens différents pour inspirer la politique des Vingt-Sept. C'est une nouvelle méthode à inventer. Le pragmatisme propre au président français devrait le conduire à changer ce qui ne marche pas, reprendre ce qui a toujours marché, et innover dans le choix des sujets à traiter.

D'abord, les initiatives purement individuelles seront désormais fortement déconseillées. On l'a vu, au printemps dernier, lors du lancement du projet d'Union méditerranéenne. La méthode consistant à jeter un pavé dans la mare, puis ignorer les réactions prévisibles des partenaires naturels pour obliger ensuite ceux-ci à se rallier sous la pression de l'opinion est efficace en France, mais elle ne marche pas sur l'échiquier européen?: dans l'état actuel des traités, un dirigeant national ne se préoccupe que de sa propre opinion publique, qu'il influence bien plus facilement que n'importe quel collègue étranger.

Ensuite, il n'est plus possible de faire l'économie du retour au grand classique de la relation privilégiée franco-allemande. Certes, il n'y a aucune raison pour qu'elle soit exclusive. Mais elle demeure un préalable à toute initiative crédible. Il faut se réjouir de l'entente cordiale nouée depuis la crise financière entre Paris et Londres, mais sans se faire trop d'illusions sur son caractère durable. Nos amis britanniques sont-ils prêts aujourd'hui à honorer les engagements solennels pris jadis par Tony Blair sur l'entrée dans l'euro?? Accepteront-ils de renoncer à leur rôle historique d'intermédiaire entre Washington et l'Europe, maintenant que l'Élysée n'a plus aucune réticence à négocier directement avec la Maison-Blanche?? Si le tunnel sous la Manche fonctionne mieux, il y a toujours un mur entre Londres et Bruxelles. Bien plus épais que du béton?: un mur de préjugés.

Enfin, c'est évidemment sur le choix des sujets à traiter que la France doit continuer de se battre pour garder la politique au c?ur de l'Europe, en évitant à celle-ci de retomber dans le ronron des agendas bruxellois. Citons-en trois.

- L'Irlande. Malgré les conclusions rassurantes du dernier Conseil européen, le problème posé par l'échec du référendum irlandais reste entier. Le Premier ministre irlandais s'est engagé à organiser un second référendum pour lever l'obstacle avant le mois de novembre. Mais le 7 juin 2009 auront lieu les élections européennes, auxquelles s'ajouteront, en Irlande, les élections locales?: affaibli par l'échec électoral de juin dernier, par sa gestion contestée de la crise financière et par la situation économique probable du printemps prochain, le gouvernement actuel a toutes les chances de subir un revers sévère. Comment croire qu'il sera alors en mesure de gagner un second référendum sur le traité de Lisbonne?? Or, il n'est pas trop tard pour adapter le calendrier et la méthode. La France pourrait y aider, de peur qu'un nouvel échec ne compromette tout l'acquis de ses six mois de présidence, en replongeant l'Europe dans le chaos.

- Le budget européen. Derrière la crise institutionnelle, ouverte par l'échec des référendums, l'Union fait face à une crise tout aussi grave, passée inaperçue?: la crise budgétaire. Traité après traité, année après année, plus les compétences de l'Europe augmentent, plus les attentes sont grandes, plus ses ressources financières diminuent?! Comme si on pouvait faire plus d'Europe avec moins d'argent?!

Cette situation aberrante s'explique par le mode de financement du budget européen?: il repose sur des contributions des budgets nationaux, désormais exsangues. Sur ce problème essentiel et délicatissime, on ne part pas de zéro. Voilà quatre ans que nous y travaillons entre le parlement européen et les parlements nationaux. Un consensus assez large se dégage sur le diagnostic, sur les orientations politiques de la réforme souhaitable, et sur les pistes à explorer pour trouver de nouvelles ressources. Le dossier est mûr.

- Le citoyen européen. L'Europe des personnes a vingt ans de retard sur l'Europe des entreprises. En juin dernier, j'ai remis au président de la république un rapport sur la manière de traiter les problèmes les plus concrets de la vie quotidienne du citoyen européen?: droit de séjour, droit du travail, mariages mixtes, reconnaissance des diplômes, remboursement des frais de santé, binationalité, etc. Une soixantaine de propositions précises sont désormais sur la table, dont aucune n'est coûteuse et aucune n'exige un nouveau traité. Il faut et il suffit d'une formidable volonté politique?: celle qui est nécessaire pour bousculer vingt-sept bureaucraties nationales, plus la routine communautaire. Après les grands dossiers internationaux, quels sujets peuvent mieux réconcilier les citoyens avec l'Europe?? Voilà un chantier tout balisé, qui n'attend qu'un bulldozer...

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