Une crise pour mieux rebondir dans la banque de détail

La crise financière aura montré que les activités de banques de détail se seront révélées plus solides que celles des banques d'investissement. Pour autant, la tourmente ne les épargne pas. Elle va les contraindre à remettre à plat leur modèle de fonctionnement et leurs rapports avec des clients faisant preuve de défiance, le tout dans un contexte économique favorable à la consolidation du secteur, estiment Philippe de Backer, Paul de Leusse, Nicolas Lioliakis, associés du cabinet de stratégie et conseil aux entreprises Bain & Company et auteurs de "Réinventer la banque de détail" (éditions Village Mondial).

A l'origine de la crise financière, le coupable est identifié : les fameuses "subprimes", qui ont contaminé sans distinction les institutions audacieuses et les établissements réputés les plus prudents, précipité la faillite de certains et accéléré les grandes difficultés dans lesquelles se débat le secteur. La crise de confiance qui accompagne toujours ce type de séisme a parachevé le travail.

A première vue, la reprise de Merrill Lynch par Bank of America ou l'acquisition d'une partie des activités de Lehman Brothers par Barclays signent la revanche des prosaïques banques de détail sur les glorieuses banques d'investissement qui, depuis quelques années, s'étaient hissées au sommet de l'aristocratie financière. Les marchés, par nature versatiles, redécouvrent les atouts des banques de détail pour les investisseurs, la ressource stable de leurs dépôts, la régularité de leurs profits, leur prudente gestion du risque, leur image rassurante. Bref, la banque de détail serait la nouvelle valeur refuge.

En réalité, la banque de détail ne sera pas épargnée, même si elle apparaît plus stable et régulière, même si les cycles auxquels elle obéit sont plus longs: tout le secteur bancaire va ressentir les secousses, même au c?ur de ce qu'il croit protégé.

D'abord, la crise des "subprimes" remet en cause la capacité des banques à exercer leur métier d'origine, le financement et la tarification au niveau adéquat de risque représenté par leurs clients et leurs contreparties. Par exemple, il va falloir désapprendre à acquérir des clients en leur prêtant pour l'acquisition de leur logement à un prix justifié par la promesse d'une relation de trente ans.

En outre, les banquiers vont devoir convaincre à nouveau leurs clients de leurs compétences alors qu'ils les ont parfois entraînés dans des placements hasardeux. Si la crise a trouvé son origine aux Etats-Unis, elle a aussi frappé des établissements européens que l'on pensait protégés par leur ancrage sur le marché local.

Le déficit de liquidité, qui traduit la perte de repères des banquiers eux-mêmes, accroît la crise de confiance. Faute de ressources, les banques sont contraintes de limiter leurs prêts. Au plan international, le développement dans de nouveaux pays est freiné : les implantations dans les pays émergents sont très consommatrices de fonds propres par la croissance rapide du marché et par les fortes demandes de produits de crédit. C'est le modèle même du développement international qui est à remettre à plat.

Enfin, les faillites d'institutions financières, dont l'histoire remontait au XIXème siècle, participent de la désacralisation des banques qui deviennent définitivement des entreprises comme les autres. Leur dépeçage, y compris sur des métiers industriels, contribue à la fin d'un modèle jusqu'alors intégré, du producteur au distributeur, et en fait la proie d'investisseurs plus intéressés par les parties que par le tout. La banque de détail ne sera pas épargnée par la désintégration puis la recomposition de nouveaux établissements financiers qui s'annoncent.

Loin de renforcer le métier par rapport aux autres activités financières, cette crise va donc accélérer l'évolution de la banque de détail, en signant la fin du modèle intégré et domestique traditionnel. Elle contraindra les banquiers à recréer les conditions de la confiance perdue auprès de leurs clients. Ce pourrait être la seule bonne nouvelle !

Aujourd'hui, 73% des clients pensent que leur banque sert les intérêts de ses actionnaires avant les leurs. Alimentée par des hausses tarifaires régulières et des perceptions de frais jugés indus, la crise de confiance s'est accentuée avec celle des subprimes et la chute de la Bourse. Les clients ont remis en question les deux rôles majeurs des banques de détail : le prêt et la conservation de l'épargne.

Si toute l'industrie des services financiers est concernée par le phénomène, de profondes disparités existent selon les pays comme le montrent les évaluations de la satisfaction des clients vis-à-vis de leur banque à travers via l'outil Net Promoter Score. Ainsi, en France, l'acteur leader compte seulement 15% de détracteurs contre 40% chez le moins bon élève. Autre signe inquiétant : si la moyenne du score NPS en France est de -2%, elle chute à -25% chez les 18-34 ans, ce qui signifie qu'une nouvelle génération de clients, plus volatile, est en train d'apparaître, dont le désamour vis-à-vis de leur banque préfigure des relations pour le moins difficiles.

Face à cet enjeu, les gagnants seront ceux qui réinventeront l'institution bancaire de marché, dans le sens positif du terme, qui redonneront toute sa valeur à l'intermédiation bancaire pour les clients, qui revaloriseront le conseil.

Les banques de détail n'ont qu'une issue pour se différencier et restaurer leur valeur perdue : se donner les moyens d'agir en profondeur dans la relation client au lieu, comme elles le font encore trop souvent, de se contenter à plaquer un discours sur les trois dimensions fondamentales que sont le prix, le conseil, et l'engagement. Cette valeur retrouvée sera synonyme pour les clients de tarification raisonnée, d'un plus grand prix attaché au conseil mais aussi d'un engagement sociétal à refonder à l'aune de nouvelles attentes citoyennes. C'est à ce prix que l'exaltation actuelle pour la banque de détail pourra être autre chose qu'un engouement passager.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il y a du boulot à faire pour les PME à la trésorerie "short" qui déja versent des provisions à leurs avocats avant le dépot de bilan à venir, afin d'assigner leur banque ou les menacer de participer pour combler leur passif resultant de la liquidat...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est article oublie le fond du probleme.Qu'une banque soit 100% de detail ,ou mixte, ou d'affaire,elles ont toutes obligation de faire aussi bien que celles qui ont un le meilleur rendement.Que se passe t'il si ce n'est pas le cas?Les investisseurs ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'on claironne qu'il faut refonder le capitalisme en le moralisant .Bel et vaste programme qui suppose que les Etats ne se regardent pas en chien de faïence pour guetter qui commencera avant soi ;hier , ces Etats se tenaient par la barbichette,pour...

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