Crise financière, crise du droit

Par Yann Paclot, professeur à l'université de Paris Sud (Paris XI), consultant chez Jeantet Associés.

Quand cessera le temps de décrire la crise et ses développements planétaires, du système bancaire aux marchés financiers, de la sphère financière à l'économie réelle, il faudra bien s'interroger sur ses causes. Alors, après le temps des économistes, viendra celui des juristes.

Car si la crise des "subprimes" est une crise du capitalisme ? une de plus ?, même le capitalisme anglo-saxon obéit à des règles?: il faudra bien le constater et en tirer les conséquences.

Or, la première des causes de la tempête que nous traversons tient aux défaillances de ce système juridique porté aux nues par la Banque mondiale dans son rapport "Doing business" (lire par ailleurs "Des idées sur le Web", sur notre site), qui a permis à des apprentis sorciers d'agir de manière irresponsable en incitant les ménages à s'endetter à taux variable, avec comme garantie une hypothèque sur le bien financé, puis à transférer au monde entier le risque de ces crédits grâce au mécanisme de la titrisation. Crédits qualifiés aujourd'hui de "toxiques" par de beaux esprits, "capables de prévoir les choses après qu'elles sont arrivées" (selon le mot d'Eugène Ionesco).

Etait-il si difficile de prévoir que la baisse de l'immobilier aux Etats-Unis entraînerait une hausse des taux, que les emprunteurs ne pourraient plus faire face à leurs obligations, que les saisies pratiquées accéléreraient la perte de valeur des actifs immobiliers, et que les créances titrisées en produits structurés subiraient mécaniquement le même sort??

Etait-il si difficile de prévoir qu'on finirait par perdre la trace de ces créances toxiques, et que le doute sur leurs titulaires, comme sur leur montant, amplifierait encore les effets de la crise??

Cette crise est une crise du droit, de l'idéologie naïve de la dérégulation ? quand on laisse le loup entrer dans la bergerie, doit-on s'étonner qu'il croque quelques brebis?? ? de l'autorégulation, qui postule une confiance surprenante dans l'aptitude des acteurs des marchés à modérer leurs appétits, de la régulation elle-même, probablement parée de trop de vertus...

On a promulgué chez nous, en 2003, une loi de sécurité financière, et nous connaissons l'insécurité financière.

On a cru au droit sans l'Etat, mais c'est à un retour de l'Etat dans la sphère économique que l'on assiste?!

Et, puisque la preuve a été apportée que les questions financières sont trop importantes pour être laissées à la seule discrétion des financiers, que leurs décisions et comportements sont susceptibles de mettre en cause l'intérêt général ? notion quelque peu désuète, mais avec laquelle il faudra s'habituer à vivre de nouveau ?, il faut bien que l'Etat intervienne en assurant le bon fonctionnement des marchés et la protection des épargnants.

Dans l'urgence, le gouvernement a commencé à le faire, en créant avec sept établissements bancaires français la Société de refinancement des activités des établissements de crédit (la Sraec), destinée à lever des fonds grâce à la garantie de l'Etat, et en mettant en place, pour assurer le sauvetage de Dexia, la Société de prises de participation de l'Etat (la SPPE), dont la vocation est de renforcer les fonds propres des banques.

La création d'un fonds souverain français, le Fonds stratégique d'investissement, sous la forme d'une société anonyme dotée de 20 milliards d'euros dont la CDC et l'Etat seront respectivement actionnaires à hauteur de 70% et de 30%, la mise en place d'un plan de relance de 26 milliards d'euros manifestent la forte implication de l'Etat. Mais cela ne suffira pas.

Le monde financier est global, dit-on : de Tokyo à New York en passant par Paris, le soleil ne se couche jamais?; quand Wall Street s'endort, Kabuto-chô s'éveille... Si nous pensons que les marchés financiers sont indispensables à la prospérité générale, que le capitalisme est comme la démocratie ? le pire des régimes à l'exception de tous les autres ?, alors il faut rétablir la confiance des investisseurs en imposant aux acteurs des normes auxquelles ils n'ont pas su se conformer spontanément.

Cela suppose d'élaborer un droit financier global lui aussi, c'est-à-dire reposant sur un corps de règles harmonisées au plan mondial. Nous le savions déjà. Maintenant, il faut le faire.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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bizarre quand meme,la crise est issu soit disant des subprimes (les gens a faible revenus ont qand meme le droit d'etre poprietaire) ave la hausse des tx variables les gens ne peuvent plus payer leur mensualité et la suite on connait ou on croit la c...

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