Trois priorités pour sauver la presse écrite

Trois mois après leur lancement, les Etats généraux de la presse se sont conclus par la remise d'un livre vert riche de 90 recommandations, le 8 janvier, à Christine Albanel, ministre de la Culture. Vendredi, lors de la cérémonie des vœux à la presse, Nicolas Sarkozy devrait rendre ses arbitrages. Alain Weill, directeur de la publication de La Tribune, présente ici les trois priorités qu'il souhaiterait voir privilégiées : la baisse des coûts d'impression, le développement du portage et la réorientation de l'investissement publicitaire de l'Etat vers ce secteur.

La presse écrite quotidienne française fait face à de multiples défis. Chacun le sait, et les Etats généraux de la presse écrite l'ont rappelé, le bilan de santé est désastreux : baisse de la diffusion, concurrence accrue avec les médias gratuits et en ligne, recettes publicitaires en berne, coûts de fabrication et de distribution parmi les plus élevés du monde occidental... Pour autant, le déclin de la presse payante est loin d'être une fatalité, comme en témoigne la vitalité d'un grand nombre de titres à l'étranger.

En France, selon une étude réalisée par Audipresse, la presse quotidienne nationale a gagné 600.000 lecteurs entre juillet 2007 et juin 2008, soit une hausse de 7,3%. Chaque jour, elle compterait 8,8 millions de lecteurs réguliers. Preuve qu'il existe un lectorat à la recherche d'une presse écrite de qualité, à forte valeur ajoutée.

Au-delà de ces constats unanimement partagés, l'enjeu, à la suite de la remise du livre vert des états généraux et à la veille des annonces du président de la République, est d'engager sans attendre les réformes qui permettront de soutenir l'indispensable modernisation de la presse.

L'Etat ne saurait bien sûr se substituer à la responsabilité tant éditoriale qu'entrepreneuriale des professionnels. Il peut en revanche accompagner la mutation du secteur qui requiert des mesures urgentes, s'agissant notamment de la réduction des coûts de fabrication et du développement de nouveaux canaux de diffusion de la presse. Ce sont ces mesures que nous appelons de nos v?ux.

1. S'aligner sur les standards européens en matière de coûts de fabrication et garantir la liberté d'impression.

La presse française, et en particulier les quotidiens, supporte des coûts de fabrication exorbitants. L'essentiel provient des charges d'impression, 30% à 40% plus élevées qu'à l'étranger. Il est donc urgent de s'aligner sur les standards européens pour les coûts d'impression. Dans cette perspective, il faut se féliciter des propositions faites par le pôle 2 des Etats généraux s'agissant de la "refonte du contrat social dans l'imprimerie de presse". Ces propositions visent à ouvrir une négociation collective par forme de presse sur l'organisation du travail dans l'imprimerie de presse pour aboutir, d'ici à quelques mois, à une réduction sensible des coûts.

En parallèle, il importe de garantir aux éditeurs la liberté d'impression et de leur permettre de développer des solutions innovantes comme, par exemple, le procédé d'impression numérique qui offre à la fois une bonne qualité d'impression, une grande souplesse d'exécution, un meilleur service et un potentiel de nouvelles recettes publicitaires grâce à un ciblage plus efficace.

2. Développer le portage à domicile et élargir la liberté de distribution.

A l'heure d'Internet, la presse quotidienne doit aller au-devant de ses lecteurs, par tous les moyens. Or, sur les 5,2 milliards d'exemplaires de journaux diffusés par an en France, seulement 19% le sont par portage contre 94% au Japon et 78% aux Etats-Unis. Il est donc essentiel, à l'instar des pays dans lesquels la presse est florissante, de développer le portage à domicile des quotidiens, seul à même d'assurer la compétitivité de la presse quotidienne par rapport à Internet.

Dans cette perspective, il convient de reconnaître le portage en tant que service à la personne comme le recommande le livre vert. Une telle mesure permettrait de baisser le coût du portage de moitié grâce à l'avantage fiscal qui en découlerait et de développer l'emploi, notamment de populations peu qualifiées. Il importe également de faciliter l'accès des sociétés de portage à l'intérieur des immeubles et donc de prendre sans plus tarder le décret d'application prévu par l'article 5 de la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Ce texte a vocation à définir des règles communes pour l'accès aux immeubles de La Poste et de ses concurrents titulaires d'une autorisation, notamment les sociétés de portage de presse.

S'agissant de la vente au numéro, il faut optimiser la distribution des titres et introduire plus de flexibilité dans le système en permettant notamment l'émergence de points de vente alternatifs tels que les cafés ou les boulangeries. A titre d'exemple, le New York Times a connu une hausse spectaculaire de sa diffusion après avoir été mis en vente dans les cafés Starbucks.

3. Réorienter une partie de l'investissement publicitaire de l'Etat.

La presse écrite dispose d'une réelle force de frappe, pourtant quelque peu négligée par l'État dans ses campagnes de communication. Dans un contexte de morosité du marché et dans le cadre d'un plan de relance de la presse, l'Etat pourrait choisir de lui consacrer 50% de ses investissements publicitaires. À cet égard et comme le relève le livre vert, dans certains pays, comme la Belgique, l'Etat investit 100% de ses dépenses publicitaires en communication presse. Sans aller jusque-là, il paraît légitime, au nom de la neutralité des supports, que les dépenses publiques soient conformes aux parts de marché de chaque média.

Au total, nous avons la conviction, trois mois après le lancement de la nouvelle formule de La Tribune, qu'il existe un marché et un avenir pour la presse quotidienne payante, à la condition de lui permettre de renouer avec la rentabilité et l'innovation. Les mesures évoquées ici sont de cette nature. Souhaitons qu'elles soient prises au plus vite. Il en va de l'avenir de la presse écrite française.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Un fois de plus les éditeurs rejettent trop facilement les causes de leur difficultés sur les autres. Editeurs et Messageries sont responsables de leurs difficultés car cette lois de 1945 si critiquée par beaucoup leur a permis de naître et d'exister...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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S'il existait une presse d'opinion, la presse serait moins en difficulté, mais la stérilité des petits esprits de notre société empeche toute presse dinge de ce nom de vivre...Dès qu'un journaliste, si tant est qu'il le peuvent car j'en arrive à dout...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La presse est en danger nous dit-on...Mais elle s'y est mise elle-même et je suis outrée que l'on fasse encore appel aux contribuables! Basta!!!

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