Autoroutes maritimes : idée géniale cherche solutions inédites

Par François Marendet, président du directoire, directeur général du grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire.

Une réalisation innovante est rarement le fruit d'une innovation isolée. Elle résulte souvent de progrès connexes qui, liés, forment un cercle vertueux. Entre le Flyer des frères Wright et l'Airbus A 380, il y a certes un siècle de monoplans, de Zeppelin, de Spoutnik et d'Ariane, mais aussi de structures alvéolaires, de fibres carbonées, de réacteurs et d'altimètres. Les techniques d'assemblage des métaux, la recherche de nouveaux matériaux se sont toujours développées en parallèle de la construction des plus grands buildings, des plus beaux paquebots...

Il me faut à ce stade risquer l'analogie : en tant que solution innovante de transport, les autoroutes de la mer peuvent-elles s'abstraire de concepts originaux et de montages inédits ? Les conclusions des armateurs qui ont récemment expérimenté de nouvelles lignes de transport maritime de remorques routières ont dévoilé les limites du système actuel. Le temps semble ainsi venu d'appliquer un beau concept : considérer les navires spécifiquement attachés aux autoroutes maritimes comme des infrastructures de transport.

C'est en effet sur ces bases qu'ont été imaginés les corridors et autres autoroutes de la mer. Le rapport de Karel Van Miert, publié en juin 2003, a mis en exergue l'intérêt du futur maillage maritime européen. Celui d'Henri de Richemont, déposé en décembre de la même année, a posé une base audacieuse : une autoroute maritime n'est qu'un prolongement du réseau routier...

Quelle innovation ! Les fonds nécessaires à la construction des navires et des infrastructures portuaires pourraient ainsi être réunis par un pool d'investisseurs directement concernés, chacun à leur niveau, par la mise en place du projet : sociétés autoroutières, armateurs, logisticiens... De plus, la qualité d'infrastructure entraînerait l'application aux navires d'autres règles comptables et fiscales. A l'image du secteur ferroviaire, on pourrait également envisager la séparation des activités liées à l'infrastructure de celles relatives à son exploitation. Ainsi le port pourrait-il devenir, vu de l'utilisateur, une gare de péage, connectée aux systèmes d'information routiers et ferroviaires, proposant un service simple à utiliser, compétitif en termes de prix et de délai par rapport aux solutions exclusivement routières.

Depuis quatre ans, le port de Nantes Saint-Nazaire porte, avec les principales collectivités locales ligériennes, un projet d'autoroute maritime entre Montoir de Bretagne, à l'embouchure de l'estuaire de la Loire, et la côte Cantabrique, au Nord Ouest de l'Espagne. La genèse est environnementale ; après avoir ratifié le protocole de Kyoto, en mai 2002, l'Europe a lancé une vaste réflexion sur sa politique de transport de marchandises. A notre niveau, les questions se sont posées en ces termes : comment aider à soulager les axes routiers atlantiques en voie de saturation ? Comment décongestionner les couronnes des grandes agglomérations et le passage de Biriatou, dans les Pyrénées, avec 10.000 véhicules par jour ?

La réponse tient à la géographie du golfe de Gascogne, qui creuse la côte atlantique européenne sur 1.500 kilomètres, depuis le Finistère français jusqu'au Cap Finisterre espagnol. Cette concavité favorise d'évidence le transport maritime par rapport au mode routier. Nos études ont démontré qu'un dixième des 3 millions de poids lourds qui empruntent, chaque année, les axes routiers atlantiques était susceptible d'être transporté par voie d'eau. Le potentiel est ainsi estimé à près de 5 millions de tonnes de trafic. Plusieurs éléments ont par la suite confirmé que Montoir est bien positionné pour concentrer et éclater des marchandises : à une distance suffisante des ports espagnols pour justifier l'intérêt du mode maritime, idéalement situé pour les flux en provenance ou à destination des territoires parisiens, normands et bretons, avec des zones logistiques en cours de préparation.

Nos premiers travaux ont permis d'évaluer le montant du projet : 400 millions d'euros, soit l'équivalent de 40 kilomètres d'autoroute en plaine... Mais comment le financer ? Là aussi, il convient d'innover.

Actuellement, les règles de financement communautaire pour les autoroutes de la mer reposent essentiellement sur les fonds européens RTE et Marco Polo. Le premier est principalement destiné aux infrastructures terrestres d'accès au service maritime. Le second combine deux notions : investissement dans les navires et exploitation. Tous deux s'avèrent adaptés aux projets de cabotage, lesquels respectent souvent une logique de demande.

Mais les autoroutes maritimes répondent d'une politique d'offre : ils visent à faire basculer un marché global d'un mode sur un autre, dans l'objectif d'amorcer et de confirmer une profonde évolution des comportements logistiques. C'est donc une révision même des aides publiques qu'il faudrait envisager. Comme pour toute infrastructure, pourquoi pas une aide à l'investissement ? Pourquoi pas une avance remboursable de trésorerie ? Peut-on imaginer que la puissance publique se cautionne sur les navires eux-mêmes ? Qu'elle accompagne la montée en puissance des projets jusqu'à l'équilibre financier ? Un tel système aurait l'immense avantage de favoriser le démarrage en partageant le risque entre la puissance publique et l'investisseur privé.

L'avenir des transports européens passe par les autoroutes maritimes. Le prolongement sur l'eau du réseau routier, avec la même simplicité d'utilisation, entraînerait une spirale vertueuse : protection de l'environnement, création de valeur ajoutée et d'emplois. Les ports retrouveraient ainsi pleinement leur vocation d'aménageur durable du territoire, affirmé dans le plan de relance national porté par Dominique Bussereau. Il faut leur donner la possibilité de mettre en ?uvre cette idée géniale, en s'appuyant sur des solutions inédites.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ce projet est apparemment séduisant car il répond à l'impérieuse nécessité de réduire le trafic routier sur les grands axes et la pollution qui en résulte. Mais cependant, le golfe de gasgogne reste une zone relativement dangeureuse pour la navigatio...

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