Rémunération des dirigeants : la mesure d'une inconnue

Par Pierre-Yves Gauthier, cofondateur d'AlphaValue.

Le débat sur les rémunérations des dirigeants met surtout en évidence que l'on ne sait pas grand chose sur le sujet. Les données que nous avons collectées illustrent l'ampleur de la tâche à l'échelle européenne, mais permettent toutefois de tirer quelques observations singulières. Sur 400 sociétés parmi les 500 premières capitalisations étudiées sur l'exercice 2007, 5.041 personnes sont recensées, mais "seulement" 1.222 informations sont utiles sur les salaires des dirigeants et 3.087 concernent les indemnités des administrateurs.

Pour ces derniers, si l'objectif est de connaître à la fois les indemnités et la détention de titres de la société sur laquelle s'exerce leur mandat, le taux de perte devient spectaculaire avec un échantillon ramené à 1.511 observations. Les chiffres sont extrêmement difficiles à manipuler, notamment dès que l'on aborde les rémunérations différées ou conditionnelles, non reprises ici. Et que dire des écarts de présentation entre sociétés dont les sièges appartiennent à des juridictions différentes.

Ceci posé, la rémunération moyenne des dirigeants européens fut, en 2007, de 1,5 million d'euros, hors options et titres. Et 2,2 millions pour les membres de la direction générale. Les Espagnols emmènent le peloton avec 2,4 millions en moyenne par dirigeant, quand les Norvégiens paraissent à la traîne avec 400.000 euros. La plus grosse rémunération (estimée à 93 millions à juillet 2008 et jamais confirmée) semble appartenir à Wendelin Wiedeking, patron de Porsche, qui réussit d'ailleurs l'exploit de générer plus de résultat que de chiffre d'affaires.

La banque pourrait paraître peu raisonnable à 1,9 million, soit 25% de plus que la rémunération moyenne. Elle se trouve débordée, de peu, par les entreprises de la distribution, des biens non alimentaires, voire de l'industrie alimentaire. Les concessions ferment la marche avec 0,6 million (1 million avec les utilities). Et parmi les 191 dirigeants français identifiés, le salaire moyen s'établit à de 1,26 million (1,7 million pour les "CEOs") et le plus élevé à 11,8 millions (M.Doug Morris chez Vivendi).

Les administrateurs, qui seront sollicités pour améliorer la gouvernance, perçoivent, en jetons de présence, 126.000 euros en moyenne, mais avec une médiane à 60.000 euros, soulignant les écarts considérables entre eux. A l'expérience, cette notion de jetons de présence est extrêmement difficile à cerner dès que les administrateurs sont aussi dirigeants. Selon nos relevés, il vaut mieux exercer la défense des actionnaires de la pharmacie que de ceux de l'immobilier ou des concessions?: le rapport est de 1 à 6 en faveur des premiers... Les 360 administrateurs de banque ont perçu en moyenne 211.000 euros pour le privilège de vivre de près les événements.

On saura bientôt si les 84 administrateurs de l'assurance (277.000 euros en moyenne, emmenés par les Suisses, Italiens et Anglais) ont permis de bien cerner les conséquences de la crise sur ce métier. Précisons que l'administrateur dans une entreprise suisse est 6 fois plus onéreux que son homologue dans une entreprise française (70.000 euros). Evidemment, certains administrateurs ont des mandats si nombreux, si éclatés géographiquement et si divergents en termes de jetons, que l'on peut s'interroger sur leur capacité à satisfaire avec sérieux autant de mandats.

Plus étonnant, l'indépendance des administrateurs "coûte" moins cher?: 101.000 euros en moyenne contre 146.000 pour les non-indépendants. C'est dans les matériaux de construction, la pharmacie et les biens de consommation que les écarts sont les plus spectaculaires. Les administrateurs indépendants de banque se contentaient de 200.000 euros contre 225.000 pour leurs pairs théoriquement moins neutres, soit une belle homogénéité compte tenu des erreurs statistiques. Observation inédite?: l'existence des comités est un facteur d'autorégulation... des jetons de présence?: 135.000 euros lorsqu'il n'y a pas de comité, et 106.000 quand il y en a trois.

Enfin, sur un terrain plus social, un cadre dirigeant "vaut" 24,5 fois le coût salarial moyen (53.500 euros en 2007, charges comprises y compris service des engagements de retraite) des entreprises sous revue. Le multiple bondit à 60 pour la distribution et 40 pour l'hôtellerie, résultat de salaires unitaires faibles et de compensations élevées des cadres dirigeants dans ces secteurs. Avec un rapport de 15 fois, les banques, le software et les concessions apparaissent plus "équitables". Sans doute parce que les salariés jouissent d'un rapport de force plus favorable. Pour 2008, parions que les chiffres publiés dans les documents de référence seront encore riches d'enseignements.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Rien ne justifie les salaires faramineux des dirigeants ! Ni les échecs économiques retentissants, ni les erreurs de stratégies monumentales, ni les faillites d'entreprises colossales, ni le manque de talent évidents des dirigeants ne peuvent justifi...

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