Dans certains milieux, on n'envoie pas ses enfants à l'université - sauf à la rigueur en médecine ou en droit. Ou alors, à Dauphine. Le paradoxe et le grand ratage de l'après-68, c'est qu'au moment où les jeunes Français sont entrés en masse à l'université, les élites l'ont fuie. Seule Paris IX-Dauphine a su les retenir, elle qui était justement fille de Mai-68 - comme Vincennes !
Dauphine, avec son joli nom, ne faisait rien comme les autres. Elle habitait l'ancien QG de l'Otan, vidé de ses Américains depuis 1966, au bout d'une des plus belles avenues de Paris (case verte au Monopoly) ; elle enseignait la gestion, une discipline qui venait de s'arracher à la tutelle de l'économie ; elle n'avait pas peur des entreprises. Et surtout, elle avait introduit, en toute illégalité, la sélection de ses étudiants.
Comment ne pas l'aimer ? Pendant des années, la République a gardé son secret de polichinelle : à Dauphine, on pouvait travailler sérieusement, le démon de la politique ne bloquait pas les cours à tout bout de champ. A la fin, le diplôme valait de l'or, et en plus, c'était gratuit. Ces avantages étaient si patents que des étudiants refusés lors du processus de sélection s'étaient mis à attaquer l'université en justice. Une vraie rente pour les avocats qui gagnaient à chaque fois.
De guerre lasse, en 2004, Dauphine a obtenu le statut de grand établissement, comme Sciences po ou les Arts et Métiers, ce qui légitimait sa pratique sélective. A 40 ans, son succès ne s'est pas démenti. Avec 8.700 étudiants, Dauphine offre l'excellence d'une grande école, mais sans le malthusianisme. Pour tout dire, elle bat les plus cotées des "business schools" à la française en termes de rapport qualité-prix. Son problème est que la réforme des universités, qu'elle a en partie inspirée, la laisse un peu de côté. C'est le sort des pionniers.
« Quand nous mettrons le pied sur l'accélérateur, nous serons difficiles à égaler » (Joelle Pineau, directrice de la recherche en IA chez Meta)
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