Sommet du G20 : surtout satisfaire les opinions publiques

S'il a pris un certain nombre de décisions concrètes, le G20 s'est refusé à traiter les trois causes essentielles de la crise : les paradis réglementaires, l'excès de liquidité dû à la politique laxiste des banques centrales et la faiblesse des revenus des ménages due à la mauvaise spécialisation de l'appareil productif, qui les a contraints à s'endetter massivement. Seules les causes secondaires de la crise ont été traitées, estime Patrick Artus, directeur de la recherche économique chez Natixis.

Au-delà des messages convenus (les marchés du travail doivent être accueillants, la croissance durable, les plus pauvres protégés?) et des affirmations de bon sens, le communiqué final du sommet de Londres contient un certain nombre de décisions concrètes : 1.100 milliards de dollars de moyens supplémentaires (en théorie, avec un doute sur les sommes nouvelles vraiment dégagées) pour le FMI, dont une partie dirigée vers les pays les plus pauvres, les banques de développement et le soutien au crédit à l?exportation ; renforcement du rôle du FMI et du Conseil de la stabilité financière pour surveiller les risques macroéconomiques et financiers ; publication par l?OCDE de la liste (noire et grise) des paradis fiscaux.

D?autres décisions ne sont pas concrètes mais donnent des directions pour l?action : maintien de politiques monétaires très expansionnistes et "non conventionnelles" ; extension de la réglementation financière à toutes les institutions et marchés, dont les "hedge funds" ; réduction du levier d?endettement des banques et accroissement des exigences de capital et de provisionnement dans les périodes d?expansion ; supervision des agences de rating ; rectification des mesures prises qui pourraient avoir des effets protectionnistes, dans le commerce des biens et des flux de financement, soutien au processus de Doha ; réforme de certains modes de rémunération dans les banques (bonus basés sur les profits à court terme).

Il ne s?agit pas ici de critiquer ces décisions et orientations qui sont nécessaires et légitimes. L?arrêt des flux de financement internationaux a causé de graves difficultés aux pays émergents qui dépendaient pour leur croissance des entrées de capitaux et a forcé le FMI à aider ces pays (pays Baltes, Hongrie, Ukraine,?), ce qui a épuisé ses ressources.

Le caractère procyclique des règles prudentielles (ratios de capital réglementaire des banques et des investisseurs) et des normes comptables (valorisation aux prix de marché) est bien connu ; pour éviter l?affaiblissement des banques et la contraction du crédit dans les périodes de récession, il faut bien passer à des règles contracycliques qui évitent l?affichage instantané des pertes et du besoin accru de fonds propres. L?absence de rigueur des agences de rating, les conflits d?intérêts qui y apparaissent, l?excès d?endettement des banques, les ventes forcées d?actifs par les hedge funds? ont bien joué un rôle dans l?apparition ou l?extension de la crise.

Mais le communiqué du G20 choque par l?absence de mention des trois causes essentielles de la crise : l?existence de places "offshore", l?excès de liquidité, les déficiences des économies réelles corrigées par le crédit. S?il est moralement légitime de condamner les "paradis fiscaux", il faut dire qu?ils ne jouent aucun rôle dans l?apparition de la crise. Il ne faut pas les confondre avec les "paradis réglementaires", régions où les règles de surveillance et de capitalisation des banques ne s?appliquent pas et où la titrisation des crédits a pu avoir lieu sans limite. Le problème est sans doute que ces paradis réglementaires se trouvent aussi dans les grands pays de l?OCDE (îles anglo-normandes, Etats du Delaware et du Nevada?) signataires du communiqué de Londres.

L?excès de liquidité, de création monétaire, qui apparaît à partir de la seconde moitié des années 1990, résulte des politiques des banques centrales, en particulier de la Réserve fédérale, qui a "inondé" les Etats-Unis de monnaie pour soutenir le crédit et les prix des actifs, et qui le fait encore aujourd?hui, et de la banque centrale de Chine, qui a sous-évalué le yuan chinois par ses achats de dollars. Même si la réglementation des banques et de la finance était déficiente, sans l?excès de liquidité il n?y aurait pas eu d?excès d?endettement ou de bulle sur les prix des actifs (actions à la fin des années 1990, immobilier de 2003 à 2007, matières premières en 2007 et au début de 2008). Mais blâmer l?excès de liquidité aurait conduit à une nécessaire autocritique des banques centrales des pays du G20.

Enfin, le point de départ de la crise se situe bien dans les économies réelles : c?est parce que la globalisation a affaibli la croissance et les salaires aux Etats-Unis et en Europe que la consommation et les achats de logements ont été financés par le crédit et non par les revenus et que la crise, liée initialement à l?excès d?endettement des ménages, est apparue. Si la faible croissance, une fois que le crédit n?est plus présent, n?est pas corrigée par des politiques économiques (industrielles) adaptées, la cause fondamentale de la crise restera présente, et ce n?est pas l?explosion des déficits publics (que le G20 soutient sans en analyser les risques à moyen terme) qui pourra la faire disparaître durablement.

Au total, s?il y a bien eu des facteurs positifs dans les résultats du sommet de Londres, on sent bien qu?il fallait surtout plaire aux opinions : en renforçant les politiques de relance, en attribuant la crise au seul secteur financier, en dénonçant les paradis fiscaux on sent aussi qu?il ne fallait pas mettre en difficulté les signataires, d?où l?absence de mention du rôle néfaste essentiel des places "offshore", des politiques monétaires, de l?absence de politique industrielle.

Il est à craindre que, seules les causes secondaires de la crise étant traitées, avec le recul les résultats du G20 de Londres ne semblent bien légers, et même dangereux puisque les conséquences potentiellement néfastes à long terme des politiques économiques extrêmement expansionnistes actuelles sont à peine évoquées.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Vivre au dessus de ses moyens ,simples citoyens ou etat ,les usa ils savent faire pour baiser le reste du monde.Le dollard est partout sans contrepartie c'est leur grand secret; dans le monde ,des interets enormes se battent pour "qu'il" monte,d'autr...

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