Pour une relance sans déficit

Par Didier Lamouche, président directeur général de Bull.

Dans le contexte de crise exceptionnelle que nous traversons, les États, garants des équilibres internationaux et attentifs aux inquiétudes des citoyens, injectent des fonds dans le cadre de plans de relance ou de soutien sectoriels. Les réponses se veulent nationales et grèvent encore un peu plus les déficits publics, comme vient de le rappeler à la France la Commission européenne. Mais les États et l'Union européenne dans son ensemble utilisent-ils suffisamment leur capacité d'achat public comme un puissant levier de soutien aux entreprises?? Et si les États, plutôt que de dépenser toujours plus, commençaient par dépenser mieux??

La crise actuelle a vu le retour de l'interventionnisme public et rappelé aux opinions publiques mondiales le rôle moteur des gouvernements et collectivités territoriales dans l'économie. En moyenne, la dépense publique se situe, chaque année, autour de 10 % du PIB mondial. En France, le montant annuel des commandes publiques représente 120 milliards d'euros. Presque cinq fois plus que le plan de relance français?! Pour affronter la crise, l'État français a choisi la voie d'une relance par l'investissement. Si elle peut amener une (relative) bouffée d'air frais aux secteurs en difficulté, elle a pour principal inconvénient de creuser un peu plus encore les déficits publics.

Pourtant, il nous semble aujourd'hui possible de dépenser mieux, en réorientant la dépense publique vers les entreprises qui, dans l'économie mondiale « post-crise », assureront notre compétitivité technologique et industrielle en ayant fait le choix de contribuer activement à la création de richesse sur le sol européen, en développant, investissant et produisant en Europe. Pour des raisons réglementaires mais surtout d'efficacité, il nous semble que c'est à l'échelle de l'Union européenne, et de façon concertée, que doivent être prises les initiatives de relance et de protection.

À la manière d'un Small Business Act qui, pour soutenir les PME, leur réserve un accès préférentiel aux marchés publics, notre proposition serait d'inclure, dans les appels d'offres publics, une "clause de valeur ajoutée au niveau européen". Au-delà des critères de qualité, de performance et de prix, les acheteurs seraient invités à tenir également compte de la contribution active du fournisseur à l'écosystème européen pour la fourniture des équipements, matériels, logiciels ou services soumis au dit appel d'offres, de façon à favoriser la création de valeur, donc l'emploi local. Par local, nous entendons européen.

Une telle mesure soutiendrait l'activité des entreprises européennes et contribuerait à la sauvegarde de l'emploi dans l'Union. Donc du pouvoir d'achat collectif. Elle éviterait également que certaines sociétés délocalisent hors d'Europe, pour venir ensuite réattaquer nos marchés publics avec des coûts plus bas. En revanche, en réaffirmant avec force la convergence des intérêts des pays de l'Union, elle mettrait un terme au désagréable débat sur les délocalisations intra-européennes. Aider plus particulièrement certains secteurs ou certains types d'entreprises, par exemple les jeunes pousses innovantes, permettrait en outre de se conformer aux règles du commerce international et d'éviter des batailles commerciales néfastes pour tous. Enfin, dernier avantage, et non des moindres?: une telle mesure ne coûterait rien. Mieux, elle permettrait au final de baisser les coûts d'acquisition pour les États.

Les entreprises, quelles qu'elles soient, utilisent leur "puissance d'achat" comme arme économique au service de leur stratégie, soit pour obtenir des prix plus faibles par les volumes, soit des services supplémentaires en échange d'engagement long terme. Pourquoi pas les États??

Même s'ils ont tempéré leur clause "Buy American", les États-Unis pratiquent ce type de "discrimination positive" dans leurs achats publics, tout comme la plupart des grandes nations économiques (Chine, Inde, Japon). Les appels d'offres des institutions européennes y ont recours parfois. La France jamais... sauf exception sur certains marchés ponctuels de type "Défense"... Évidemment, certains assimileront la mesure à du protectionnisme. Parlons plutôt de réalisme. Rétablissons l'équilibre avec la plupart des grands marchés mondiaux. L'Europe n'a pas, n'a plus les moyens économiques d'un idéalisme de libre-échangiste outrancier. La gravité de la situation exige que nous dépassions les certitudes acquises ?: il nous faut aujourd'hui évaluer les solutions potentielles de façon pragmatique, sans tabou, pour agir au mieux des intérêts de nos entreprises et de nos concitoyens.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tant de bon sens inemployé... mystère... y aurait-il à l'oeuvre dans les décisions du pouvoir d'autre enjeux que le developpement du pays, comme dans l'appel d'offre biaisé de n'importe quelle commune? Cour des comptes, que fais-tu?

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