Le Grand Paris, une affaire d'État

Par Valérie Segond, journaliste à La Tribune.

Que les ambitions parisiennes de l'Élysée agacent au plus haut point les grands seigneurs franciliens, on peut le comprendre. Après vingt-cinq années de décentralisation ? même avortée en ce qui concerne l'Île-de-France ?, ces derniers avaient acquis une certaine liberté d'action à la faveur d'un désengagement de l'État à la fois politique, financier et opérationnel.
Même si le président français s'apprête à faire un geste d'apaisement à leur égard en demandant que soit scellé d'ici l'été un accord sur le nouveau schéma de transport, le grand retour de l'État à Paris ne peut être vécu que comme une brutale reprise en main par le pouvoir central.
Seulement, on ne peut plus laisser Paris aux seuls Parisiens. Le Grand Paris, dont l'idée est née il y a vingt ans déjà, est bien un enjeu national. Toutes les économies modernes ont besoin de métropoles fortes, seules capables d'offrir aux entreprises la fluidité, les économies d'échelle, et le bassin d'emploi dont elles ont besoin. L'économiste des territoires Laurent Davezies a démontré que le développement de la France tout entière dépend grandement de ce qui se passe en Île-de-France : alors qu'elle produit 29 % de la richesse française ? avec un PIB par habitant deux fois plus élevé que la moyenne nationale ?, près de 15 % des revenus qu'elle génère sont redistribués et consommés dans le reste du pays.
Or, depuis vingt ans, l'Île-de-France croît moins vite que les provinces, l'emploi dans la ville de Paris s'effondre, les actifs de plus de trente ans ? les plus productifs ?, quittent la région, et son avance en matière d'innovation ne cesse de s'effriter. Pendant ce temps, la politique locale penche toujours plus en faveur du confort de ses résidents au détriment de la vitalité de ses actifs. Faute de volonté politique au plus haut sommet de l'État et de leadership fort au niveau local, rien de sérieux n'a été entrepris dans son réseau de transport depuis les années 70.
En Île-de-France, la multiplicité des pouvoirs locaux, les responsabilités mal établies des différents acteurs, les intercommunalités stériles et les frondes permanentes des riverains, tout cela a condamné la région à une effrayante paralysie de la décision. Pendant que Londres retrouvait son dynamisme sous la tutelle du Grand Londres relancé par Tony Blair, la réflexion sur la métropole parisienne restait désespérément éteinte.
Il y a donc urgence. Même si la grand-messe de Nicolas Sarkozy ce jour laisse dans l'ombre des questions centrales, telles que la gouvernance du territoire, le financement des grands réseaux et la construction de logements, on doit se réjouir que Paris redevienne enfin un sujet majeur pour la France.

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