Tête de Turc

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Il y a quelque chose de lassant à voir actionner avant chaque élection les mêmes ficelles. La sécurité et la Turquie forment un duo pour temps de campagne qui pourrait être comique, façon Laurel et Hardy, s'il ne s'agissait pas de deux thèmes effectivement cruciaux. Chacun d'entre eux mériterait un débat informé, approfondi, permanent, et reçoit au contraire un traitement sporadique et caricatural.

Pour Nicolas Sarkozy, l'avantage de la Turquie et du thème sécuritaire, c'est qu'ils créent du clivage avec la gauche et peuvent ramener à lui des couches fragiles qui ont dans le passé été tentées par l'extrême droite. A ceux qui lui reprochent de flatter les peurs, le chef de l'Etat répond généralement qu'il a été le seul à faire baisser le score du Front national en vingt ans.

Seulement, sur la Turquie, il y a des chances que cette posture se révèle de moins en moins rentable. Les partis souverainistes de droite ou de gauche - tous hostiles à l'entrée de la Turquie dans l'Union, comme François Bayrou d'ailleurs - l'accusent de jouer double jeu. Tout en se servant de la Turquie comme repoussoir dans ses discours, le président français n'a nullement ralenti les négociations préalables à l'adhésion lorsqu'il a exercé la présidence tournante de l'UE au semestre dernier.

Deux nouveaux chapitres ont même été ouverts. Nicolas Sarkozy a le mérite d'avoir relancé l'Europe : il a permis aux Vingt-Sept de sortir du blocage institutionnel créé par le "non" français de 2005, et il a man?uvré avec maestria, pendant la crise géorgienne puis la crise financière, pour apporter des réponses communes à l'ensemble européen. Il l'a fait à chaque fois en jouant cartes sur table.

En ce qui concerne la Turquie, il a plus de mal. Sa grande idée d'Union méditerranéenne était destinée en bonne partie à détourner la Turquie de sa candidature à l'UE. Une fois passée à la moulinette diplomatique et devenue Union pour la Méditerranée, elle n'offrait plus qu'un vague cadre pour des coopérations techniques, utiles au demeurant.

De toute façon, Ankara ne se serait contenté ni de la première version, ni de la seconde, ni d'aucune formule d'association commerciale. Les Turcs exigent l'adoubement politique que représente l'adhésion plénière. Pour être reconnus, enfin, comme une puissance européenne injustement rejetée, à leurs yeux, hors du concert continental voici presque un siècle. Leur raideur, leurs blocages culturels et militaires (à Chypre notamment) n'en font pas des candidats particulièrement faciles. Mais leur évolution démocratique, leur dynamisme économique et démographique, pèsent dans l'autre sens. Et de plus en plus clairement. Pourquoi ne pas le reconnaître ?

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Commentaires 12
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ce qui pèse de plus en plus lourd, c'est surtout le soutien réaffirmé des Etats-Unis à l'adhésion. Pourquoi ne pas le reconnaître ? L'adhésion n'est plus négociable depuis longtemps. Seule la date l'est.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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1°"Les turcs exigent" ça commence mal pour des derniers arrivés qui représenteraient aussitôt 1/4 des votes et 1/4 de la population de l'union. Ce n'est pas leur "dynamisme démographique", qui va nous rassurer. Les laissera-t-on entrer sous la menace...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Dans votre analyse de la Turquie et l'Union, vous oubliez le génocide arménien et le problème de sa reconnaissance par Ankara. La question d'un peuple génocide et le négationnisme de l'Etat turc pour le génocide arménien de 1915 n'intéresse-t-elle pa...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La Turquie n'a pas sa place en Europe même si 5 % de son territoire si trouve la turquie c'est essentiellement l'Asie Mineure donc géographiquement ce n'est pas l'Europe. c'est un premier point. Le second point qui est central qui accepterait en Euro...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La Turquie est le carrefour de l'Orient et de l'Occident, de la Chrétienté et de l'Islam. L'exclure la rejeterait inévitablement dans le camp de l'extrémisme anti-occidental. Les prétextes qu'on avance (géographie, culture, religion...) ne sont que ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A-t-on le droit de simplement "ne pas avoir envie" des turcs dans l'UE? L'Europe des lumières, l'Europe aux valeurs judeo-chrétiennes, l'Europe traversée par guerres et dictatures, l'europe de l'Opéra, de JS Bach, de Picasso, l'héritage gréco-latin, ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La Turquie est le carrefour de l'Orient et de l'Occident, de la Chrétienté et de l'Islam. L'exclure la rejeterait inévitablement dans le camp de l'extrémisme anti-occidental. Les prétextes qu'on avance (géographie, culture, religion...) ne sont que ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Troie est en Turquie, Istanbul fut la capitale de l'Europe, la Turquie est un membre majeur de l'Otan, la Turquie participe aux compétitions européennes, etc... La Turquie est bel et bien européenne, autant que la Suisse et d'autres qui ne sont...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Byzance n'a été capitale que de l'empire d'orient, alors que Rome était capitale de l'empire d'occident. Il y a longtemps qu'il n'y a plus de Byzantin à Byzance, c'est l'europe des ruines que vous allez chercher là, alors, si Alexandrie est en Egypte...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour Le Général, l'europe, c'était "de l'atlantique à l'oural". Maintenant que l'URSS est redevenue la "russie", comme l'appelait le même général, c'est de ce côté là que peut se faire l'alliance privilégiée, voire plus si affinités, et côté ressourc...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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564 millions par an depuis 1996. Ces crédits ne vont d'ailleurs pas cesser d'augmenter progressivement sur la période 2007-2013". Pour la France, qui contribue à hauteur de 17% au budget européen (2ème contributeur net), cela représente 96 millions ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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69% des allemands, qui les accueillent et les pratiquent depuis longtemps, et de prés, sont opposés à l'entrée de la Turquie, la cause est entendue.

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