Créons une journée de travail pour la jeunesse

La difficulté de l'insertion des jeunes dans la vie active ne vient pas de l'inadaptation des jeunes, mais de l'insuffisance des offres d'emploi, explique ce trentenaire qui a participé aux travaux de la commission Hirsch en faveur de la jeunesse. Il préconise l'instauration d'un contrat unique, et le financement d'un plan jeunes par la création d'une journée de solidarité en leur faveur, rappelle Grégoire Tirot (auteur de "France anti-jeune. Comment la société française exploite sa jeunesse", chez Max Milo, 2008).

La commission de concertation en faveur de la jeunesse installée en début d'année par le haut-commissaire à la Jeunesse vient de présenter ses propositions dans un livre vert rendu public il y a quelques jours. Deux points essentiels et préalables aux choix qui seront faits par le gouvernement doivent être analysés.

Le premier concerne les principes philosophiques et économiques sous-jacents qui ont présidé à l'analyse du problème "jeune" en France. Les débats qui ont animé la commission ont tourné, plus ou moins consciemment, autour du schéma intellectuel suivant : par essence, les jeunes ont un problème avec le travail, soit parce qu'ils n'ont pas de formation ou pas la formation adéquate, soit parce qu'ils ne disposent pas des codes sociaux ou des informations nécessaires pour aller "chercher" un emploi qui, pourtant, leur tend les bras.

Bref, la question pourrait se résumer à un problème de "tuyauterie", de "mismatch" entre l'offre et la demande. Dans cette optique, le chômage des jeunes est considéré seulement comme étant un chômage "frictionnel", c'est-à-dire lié à l'inadaptation momentanée ou à un rendez-vous manqué entre l'offre et la demande. La solution est donc simple : créons des tuyaux - par exemple un véritable service public de l'orientation - entre les jeunes et le marché du travail, et le problème sera réglé !

Cette vision rassurante oublie l'essentiel : le c?ur du problème réside moins dans l'inadaptation de la jeunesse au monde du travail que dans le fonctionnement structurel du marché du travail, véritable machine à créer de la précarité et à exclure une jeunesse devenue la principale variable d'ajustement de l'économie française. L'enquête "Prospective emploi-formation à l'horizon 2015" évalue à 690.000 le nombre de jeunes qui vont se présenter en moyenne chaque année d'ici à 2015 sur le marché du travail, pour 594.000 à 620.000 emplois à pourvoir. Soit un déficit annuel oscillant entre 70.000 et 100.000 postes, excluant dès le départ entre 10% et 15% de chacune des cohortes de jeunes souhaitant entrer dans l'emploi. On pourra donc construire tous les tuyaux que l'on souhaite, une bonne partie d'entre eux ne débouchera que sur des emplois imaginaires.

Cette analyse a, il est vrai, le mauvais goût de reporter la responsabilité du problème "jeune", imputée actuellement à l'incapacité ou à l'inadaptation des jeunes, sur le fonctionnement du marché du travail. Suprême défaut, ce constat appelle la mise en ?uvre d'une profonde réforme juridique de notre Code du travail. Mais l'idée n'est pas de faire un Smic-jeune ou de proposer un nouveau CPE, qui n'aboutirait au mieux qu'à remplacer la problématique du chômage des jeunes par la généralisation et l'intensification de leur précarité. La solution réside dans la mise en place d'un contrat de travail unique, valable de 18 ans à 65 ans, plus protecteur que le CDD mais plus souple que le CDI, de sorte que la précarité concentrée sur les jeunes, qui est pour partie le prix de la protection et des acquis de leurs aînés, se mue en flexisécurité pour tous.

Le second point renvoie à la problématique du financement des mesures en faveur de la jeunesse. Il ne peut être question de les financer par l'endettement public. Au-delà du principe de soutenabilité budgétaire, c'est une question de justice sociale : le financement par la dette publique signifie que ces mesures ne seraient qu'un prêt que les jeunes se feraient à eux-mêmes, puisque la charge de cette dette leur incombera tôt ou tard, sous une forme ou sous une autre (augmentation de la fiscalité, ou dégradation des services publics et de notre protection sociale).

Le principe de l'équité intergénérationnelle incite donc à ce que l'on dégage de nouvelles ressources ou à ce que l'on redéploie des dépenses publiques existantes en faveur des jeunes. Or, le président de la république a fermement indiqué qu'il n'était pas question d'alourdir la fiscalité ; quant à redéployer des ressources existantes, c'est un combat perdu d'avance contre les corporatismes en tout genre.

Comment sortir de cette impasse ? En créant une journée de solidarité en faveur de la jeunesse, sur le modèle de la journée de solidarité en faveur de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. En 2009, la contribution de 0,3% applicable sur les salaires au titre de cette journée devrait dégager 2,2 milliards d'euros. Pour comparaison, les dépenses de l'Etat en matière de bourses d'enseignement supérieur s'élèvent à 1,5 milliard d'euros. Cette proposition semble se justifier d'autant plus qu'elle apparaît comme un sacrifice raisonnable dans la France des RTT, championne du monde des congés. Car l'enjeu est bien de donner aujourd'hui à la jeunesse de notre pays la confiance nécessaire en notre société pour construire celle de demain. Nous avons jusqu'à présent fait le choix de sacrifier nos enfants sur l'autel de la dette publique. Alors, assurer l'avenir de notre pays ne vaut-il pas une journée de travail ?

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Monsieur, visiblement vous travaillez trop pour avoir de telles idées. Aprés tout, pourquoi pas? Un journée de solidarité pour les vieux, une autre pour les jeunes. Avec, bientôt, le travail le dimanche , Il restera donc 363 autres journées de solida...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Donnons également une jounée travaillée de solidarité pour les SDF, les gens du voyage, les hémiplégiques, le tétraplégiques, ceux qui ont les pieds plats, ceux qui ont moins de 50 de QI, les enfants de la Dass. On peut aussi aller faire des TIG à l'...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A tout le moins, on pourrait déjà commencer à travailler à penser à comment améliorer le sort de la jeunesse. Je conçois que cela puisse demander un effort surhumain après 30 ans d'inertie mentale absolue sur le sujet...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pourquoi toujours réfléchir selon un mode de pensée: il y a un probleme donc il faut affecter un budget; puis avec une conclusion le contribuable va payer ? Notre société, l'éducation nationale, l'ANPE , tous sont formatés avec l'objectif unique de d...

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