Les (vraies) questions dont le G20 doit débattre

Par Colette Neuville, présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires.

Les bonus des traders suscitent à juste titre des réactions scandalisées. Mais ils ne sont qu'un épiphénomène très médiatisé, la partie émergée de l'iceberg que constitue le fonctionnement du système financier. Il ne faudrait pas que ces bonus - qui ont incontestablement joué le rôle de pousse-au-crime dans la prise de risque - fassent oublier les vraies questions soulevées par la crise : elles concernent les missions des banques, leur concentration, l'assurance et la réassurance de leurs risques, la transparence de leurs activités.

Elles concernent aussi et surtout le fonctionnement des marchés financiers. Jusqu'à présent, les banques justifiaient la diversification de leurs activités par leur complémentarité, faisant valoir que leurs gains sur les marchés leur procuraient des ressources pour leurs métiers traditionnels, en particulier celui du crédit. Elles passaient sous silence les risques considérables pris sur leurs fonds propres, qui servent pourtant de garantie aux dépôts. La crise a fait apparaître la dangerosité de ce mélange des genres. Et pour éviter la faillite de nombreux établissements, les banques centrales et les Etats se sont portés assureurs en dernier ressort, appliquant à la lettre le principe "Too big to fail". D'où cette situation paradoxale dans laquelle se trouvent les banques aujourd'hui. Désormais à l'abri du risque de faillite, elles peuvent être tentées de prendre encore plus de risques : peu importe, c'est le contribuable qui paiera en dernier ressort !

Cette situation asymétrique n'est plus tolérable. Aussi faut-il s'interroger sur le fonctionnement du système bancaire. Tout d'abord, ne faut-il pas revenir à la séparation entre banques d'affaires et banques de dépôt ? Cette réforme mettrait les dépôts des clients à l'abri des risques pris par les banques d'affaires et inciterait les établissements concernés à gagner leur vie en faisant leur métier traditionnel plutôt que de risquer leurs fonds propres sur des opérations spéculatives. Quant aux banques d'affaires - spécialisées dans les opérations à risque -, si elles devaient continuer à bénéficier d'une garantie en dernier ressort de l'Etat, il conviendrait de leur faire payer le prix de cette assurance. Ensuite, ne conviendrait-il pas de limiter la concentration du secteur ? C'est en effet en raison de l'ampleur des sinistres que provoquerait leur défaillance que les Etats se sont décidés à apporter une aide publique aux banques. Or, loin de se réduire, la concentration des banques s'est brutalement accélérée avec la crise. Bref, la situation apparaît encore plus grave aujourd'hui qu'hier.

Concernant les dérivés de crédit, dont le développement non maîtrisé est à l'origine de la crise, l'opacité et la complexité restent la règle. Ne serait-il pas temps d'organiser le marché de ces produits et de leur imposer un minimum de transparence ? On pourrait par exemple mettre en place une chambre de compensation commune pour réduire le risque de contrepartie et la crise de liquidité qui peut s'ensuivre. On pourrait aussi interdire les dérivés seconds (dérivé sur le dérivé) pour diminuer l'effet de levier et la complexité de l'évaluation des produits.

Enfin, s'agissant du fonctionnement des marchés, dont la volatilité et les imperfections font la fortune des traders, ne serait-il pas temps de réfléchir à une "market governance" ? l'objectif étant de les faire fonctionner de manière moins erratique afin qu'ils remplissent leur mission, à savoir permettre à l'épargne de s'investir au mieux de l'intérêt général. La finance doit être au service de l'économie et non l'inverse. Certains marchés fonctionnent en parasites de l'économie réelle. C'est une perversion du système. Ces sujets pourraient utilement être débattus au G20 de Pittsburgh car les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est quasiment inévitable que l'on s'achemine vers une autre crise grave si l'on ne s'attaque pas aux racines du mal. Mais le concert des nations saura-t-il avoir raison des puissants lobbies bancaires ?

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Félicitation à Madame Neuville, la rémunération des traders masque les vrais problèmes et le véritable raison d'être de la bourse est passée au second plan merci de cette analyse

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est là toute la question... Mais si les nations ne sont pas capables de discipliner la finance, nous irons inévitablement vers une crise encore plus grave, et ce seront alors les peuples qui "feront le ménage", avec tous les excès que cela implique...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les actionnaires dont m.neuville defend les interets et dont elle fait surement partie ne nous parlent jamais des années passées ou les banque arrosaient tres genereusement leurs actionnaires par des dividendes plantureux et de superbes envolés d'act...

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