Salaires des patrons : la fin d'un mythe

Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

En ces temps où les plus grosses rémunérations riment dans l'opinion avec suspicion, toute remise à plat est bonne à prendre. Ainsi en est-il de l'étude que vient de réaliser la société Alphavalue sur un très large échantillon. Les dirigeants ne subissent pas les effets de la crise ? Faux ! En 2008, leurs rémunérations ont baissé de 10% en moyenne. Les banquiers ont continué à s'en mettre pleins les poches ? Archi-faux ! Leur rémunération a, cette année-là, chuté de plus de 40%.

Et encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte de la perte des stock-options due à l'effondrement des cours de Bourse. D'ailleurs, les rémunérations variables ont plongé dans tous les secteurs frappés de plein fouet. Ouf ! Les rémunérations variables le sont aussi... à la baisse. Mais cette étude apporte aussi un enseignement plus inattendu, qui vient contredire l'argument avancé de longue date par certains pour justifier la hausse continue des émoluments de leurs pairs.

Tout dirigeant qui se jugerait insuffisamment payé partirait immédiatement à l'étranger, nous assurait-on. Car il existe un marché mondial des dirigeants, comme il existe un marché des biens et des capitaux, parfaitement efficient et fluide. Pour garder les meilleurs, il fallait donc se dépêcher d'aligner leur package vers le haut. Or, voilà que cette étude révèle une extraordinaire dispersion des rémunérations, et de leur évolution, entre pays au sein des mêmes secteurs d'activité. Certes, les méthodes de calcul différenciées des bonus expliquent peut-être en partie ces écarts, certains étant calculés sur les ventes, d'autres sur les marges, les parts de marché, les acquisitions, etc...

Mais la vérité est qu'il n'y a pas de marché mondial des dirigeants, pas même de marché européen, sauf pour quelques rares apatrides du business ou parmi ceux qui ont grandi chez un leader mondial et en connaissent les moindres secrets : pas plus d'un quart des dirigeants du CAC 40, si l'on y compte Air Liquide, Alcatel, Carrefour, L'Oréal, PSA, Renault, Sanofi, Total et Vinci. Et encore cette liste comprend-elle un Néerlandais, un Suédois et un Germano-Canadien ! 

A l'évidence, les élites françaises s'exportent mal, et personne, au-delà du périphérique, ne s'arrache nos inspecteurs des finances, ni même nos polytechniciens, qui du reste ne sont pas toujours prêts à mettre à l'épreuve leur talent dans un autre univers culturel. Le fait est que leurs rémunérations ont plus à voir avec la position qu'ils occupent, leur ancienneté comme président ou leur autorité sur le conseil, qu'avec leur prétendue "valeur sur le marché".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
La "république française" est dans la continuité de l'Ancien Régime, avec sa distribution de "bénéfices" à une "aristocratie" qui n'a plus de sang bleu et certainement beaucoup moins le sens de l'honneur

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.