La bombe de la dette publique

Alors que les économies mondiales semblent renouer avec la croissance, les projecteurs sont désormais braqués sur les énormes déficits et la sévère augmentation de la dette publique. Michael Boskin, qui a présidé le Bureau des conseillers économiques du président George H.W. Bush, revient sur les risques que fait planer cette bombe.

Les déficits publics devraient atteindre cette année, en pourcentage du PIB, 13,5% aux Etats-Unis - deux fois plus qu'au pire moment de la récession des années 80 - et, pour les autres grandes nations, 14% en Grande-Bretagne, plus de 8% en France, 8% en Inde, 4,7% en Allemagne et 4,2% en Chine. En plus des baisses de recettes fiscales et de l'augmentation des dépenses sociales induites par la récession, "les stabilisateurs sociaux" de nombreux pays ont tenté de stimuler leur économie par des programmes discrétionnaires.

Certains hommes politiques, comme par exemple le président Barack Obama, ont mis en avant leur programme de stimulation comme seule réponse efficace à la crise économique. Ils engagent leur responsabilité budgétaire à long terme et proposent pourtant des budgets avec d'importants déficits pour les années à venir et un rapport dette-PIB en hausse vertigineuse. Les hommes politiques de l'opposition dénoncent les déficits et la dette comme un terrible héritage à laisser à nos enfants. Dans les années 80, aux Etats-Unis, les démocrates ont condamné avec virulence les déficits laissés par le président Ronald Reagan?; les républicains font de même aujourd'hui avec le président Obama. Les déficits sont utiles pour les hommes politiques, car ils permettent de masquer et de retarder le véritable coût fiscal des dépenses. Mais alors, quand les déficits sont-ils souhaitables, et quand sont-ils dangereux??

L'impact de l'économie sur l'équilibre budgétaire est plus rapide, plus sûr et plus important que l'impact de l'équilibre budgétaire sur l'économie. Tous les économistes s'accordent sur le fait que nous devrions laisser agir les stabilisateurs économiques. Les politiques budgétaires discrétionnaires ne sont pas toujours une réponse efficace à la récession, compte tenu des décalages administratifs et législatifs habituels, des politiques électoralistes et des intérêts privés qui parasitent les décisions de dépenses et de taxations. Les effets de l'actuel programme américain de relance ont été beaucoup plus lents que prévu à agir sur l'économie.

La majeure partie de cet argent ne sera en fait dépensée qu'après la soi-disant "fin" de la récession?; la preuve en est que jusqu'à maintenant, ces injections n'ont eu que peu d'effet. Il est juste de financer l'investissement du capital public existant, puisque les bénéfices s'accumuleront pendant des années, et les futurs contribuables pourront équitablement en assumer une partie. C'est une pratique habituelle aux États-Unis, tant au niveau des Etats qu'au niveau fédéral. Il est aussi plus efficace de préserver une certaine stabilité des taux d'imposition sur le long terme et donc de financer avec la dette les besoins importants ponctuels de dépenses tels que les réserves d'armements pendant une guerre (ou en prévention d'une guerre), tout en inversant, ce faisant, la courbe de la dette.

L'emprunt du gouvernement fédéral américain a toujours été, chaque année, supérieur aux recettes fiscales depuis la Seconde Guerre mondiale. Une telle situation est à la fois équitable et efficace. Ce qui n'est pas le cas des programmes de relance actuels. Le niveau, la composition et la croissance de la dépense et des impôts sont des indicateurs budgétaires fondamentaux. Même avec un budget équilibré, les questions d'efficacité et d'efficience de la dépense restent à l'ordre du jour, dans la mesure où le moindre dollar reçu par le gouvernement coûte à l'économie 1,30 dollar, compte tenu des modifications induites par la fiscalité sur les décisions des ménages.

Les déficits importants influent sur la consommation des ménages en transférant la facture sur les générations à venir, ce qui pourrait saturer les investissements privés et ralentir la progression des niveaux de vie. Les déficits sont plus risqués si le niveau de la dette publique, soit l'accumulation de tous les déficits précédents, augmente fortement, ou rapidement, par rapport au PIB. Le rapport dette-PIB varie considérablement d'un pays à l'autre. Celui des Etats-Unis va doubler si le président Obama n'inverse pas la tendance, comme le fit le président Bill Clinton lorsque lui et son Congrès à majorité républicaine ont rééquilibré le budget.

Les déficits sont problématiques s'ils servent à financer la consommation et non des investissements publics productifs sur les infrastructures. Et la plupart des programmes de relance ne passeraient pas le rigoureux test de la rentabilité. Certaines agences fédérales américaines sont en train d'essayer de dépenser 10 fois le montant de leurs précédents budgets, ce qui n'est pas un gage d'efficacité. Et les déficits peuvent créer de l'inflation si les banques centrales monétisent la dette publique, une inquiétude clairement manifestée par la Chine.

Il est donc urgent que les stratégies de sortie de crise soient planifiées, annoncées et mises en ?uvre rapidement, avant que les programmes de relance ne s'installent dans la durée, ne développent des rentes pour des groupes d'intérêts puissants et n'augmentent pas le risque de la hausse des taux et d'inflation. À ce titre, les citoyens du monde ont raison d'être révoltés devant l'explosion de la dette publique.

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Commentaires 7
à écrit le 20/10/2009 à 10:37
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Eh oui, seulement voilà, il n'y à plus de Citoyens du Monde, pour se révolter. Il existe à la place des citoyens, qui veulent acquérir une maison, une voiture, du confort et idem pour leurs enfants. Alors pour tout cela il existe un moyen, le Crédit....

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Comment justifier dans les circonstances actuelles la suppression de recettes fiscales (TP) et l'augmentation des dépenses du ministère de la Culture ? Ce n'est vraiment pas le moment d'acheter des rectangles blancs sur fond blanc.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour moi, simple citoyen, le déficit est une aberration... C'est la preuve d'un manque d'anticipation, et d'un gestion pour le moins laxiste. Quelle entreprise et quel particulier pourrait se permettre d'être en déficit plus de 2 années consécutives?...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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au moins, les americains essaient de reduire les dépenses de leutr budget, ce qui avait été promis par sarkozy et non tenu,pire, au lieu de diminuer, il a tout fait exploser!!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le Japon est dans une situation de crise en "L" (crise durable), la France est soit-disant en crise en forme de "U" (fond de crise, puis lente reprise...), le Japon à une dette par rapport au PIB de 200% (indécrottable, déclin économique inéluctable)...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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il est vrai que cet article reflete ce que je dis , la hausse des taux d'interets est une bombe potentielle qui aura un cout sur la dette globale , aux USA ils sont devenus fous , pire encore ils forcent le monde a suivre la meme voie demagogique , q...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est quand la mer se retire qu'on voit ceux qui se baignaient nus...

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