Jean-Pierre Beurier : "un droit de la mer figé dans la coutume"

Le Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, consacré pour sa 20ème édition aux mers et océans, est devenu le rendez-vous incontournable des géographes. Entretien avec Jean-Pierre Beurier, professeur de droit à l'université de Nantes.

Le droit de la mer s'explique davantage par le passé coutumier que par la sagesse des hommes. Les puissances maritimes ont été aussi loin que possible dans leurs revendications sur la mer au fur et à mesure de l'avancement de leur technologie. Aujourd'hui, nous sommes face à un polyrégime juridique complexe, où se mêlent eaux intérieures, mers territoriales, zones contiguës ou zones économiques exclusives, plateaux continentaux, haute mer et grands fonds marins. Et aujourd'hui, personne ne souhaite toucher ce fragile château de cartes de peur de voir tout l'édifice s'écrouler.

La convention internationale des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 aurait pu imposer un système juridique unique, mondialisé et équitable. Elle apparaît surtout comme une codification de la coutume précédente et institue même de nouvelles emprises sur la mer comme les zones exclusives des 200 milles. Elle formalise aussi les droits exclusifs sur le plateau continental, toujours considéré comme un prolongement du territoire de l'Etat riverain, même au-delà des 200 milles marins. Ce cadre concerne la quasi-totalité des ressources énergétiques.

Restent les grands fonds marins?: en 1967, le Maltais Arvid Pardo propose et obtient aux Nations unies, dans un enthousiasme général, que, au-delà des juridictions nationales, sans préciser lesquelles, le fond des océans devienne patrimoine commun de l'humanité. Et dans l'élan de cette "nuit du 4 août" de la mer, les puissances maritimes se sont engagées à explorer ou exploiter les fonds sous l'autorité d'un organisme des Nations unies - un monstre juridique - et d'en partager les éventuels bénéfices avec les pays qui n'ont pas accès à la technologie des grands fonds, comparables à celle du spatial.

Cette générosité ne concerne que les ressources minérales, pour l'essentiel, les nodules polymétalliques, connus depuis la fin du XIXème siècle. Découverte extraordinaire, mais découverte inutile, car peu rentable à exploiter. L'enjeu aujourd'hui a changé de nature?: il s'est déporté du minéral au vivant. Ce sont les micro-organismes marins, comme les bactéries thermophiles, qui concentrent tous les efforts d'une industrie biomoléculaire en plein essor. Et dans ce domaine, comme dans celui de la pêche, c'est le chacun pour soi qui prévaut.

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