Où est passé l'enrichissement de la France des dix dernières années ?

Une analyse de Jean-Yves Lefevre, enseignant et dirigeant du cabinet de conseil en gestion de patrimoine Lefevre et Associés

Les étrangers nous voient souvent comme un peuple qui a le c?ur sur la main et qui n'est jamais content : des râleurs sympathiques. Sur le sujet de la répartition des richesses par exemple, nous excellons (thème qui, culturellement, nous passionne bien plus que nos amis anglo-saxons ou asiatiques). Vocifération, mise en accusation, tantôt se sont les patrons les profiteurs, d'autres fois les salariés (si si : dans les années 80, la fonction publique enviait les salariés du privé). Aujourd'hui, c'est un peu différent.

Alors, que s'est-il vraiment passé en matière d'enrichissement durant ces dix dernières années ?  La thésaurisation a payé : l'immobilier a doublé, l'or a quadruplé. Mais par le travail, avons nous créé de la richesse ? Oui ! Nos efforts ont porté leurs fruits, puisque nous avons développé facialement notre PIB (Produit Intérieur Brut) de plus de 40 %. En réalité, si l'on corrige ce chiffre de l'inflation, le PIB n'a progressé que de 18 % sur la décennie. C'est mieux que rien.

Alors, la fameuse question - à qui a profité cette croissance - se pose légitimement. Est-ce aux travailleurs, est-ce aux actionnaires (les propriétaires d'entreprise qui, soit dit en passant, travaillent aussi parfois) ? En fait et contrairement à ce que l'on pense, le pouvoir d'achat des salariés français a évolué en moyenne de 15 % en 10 ans (source Insee).




Pour les actionnaires, si l'on prend comme référence les plus grandes entreprises françaises (celles du CAC 40), pour mesurer correctement l'enrichissement, il convient de regarder dans deux directions : celle des dividendes (les revenus) et celle de la valeur même des entreprises (la plus ou moins value).

Là, les actionnaires n'ont franchement pas été récompensés. La valeur des entreprises a perdu en moyenne 30 % (facialement) et 20 % si l'on considère les dividendes perçus. En fait, la crise boursière a détruit plus de 500 milliards d'euros, rien qu'en France. Il n'y a pas que les riches propriétaires d'entreprises qui sont concernés. Les nombreux épargnants français qui ont investis en bourse sont bien évidement aussi impactés.

Alors, la question reste posée : où est passé l'enrichissement des dix dernières années ?  Est-ce dans notre balance des paiements (c'est le résultat comptable de nos relations avec l'étranger) qui est chroniquement déficitaires ? Non ! Ce déficit ne représente que 0,02 % de notre PIB. Donc, si notre enrichissement ne s'est pas évaporé à l'étranger, c'est en interne qu'il nous faut chercher.

En réalité, c'est du coté de nos choix qu'il faut regarder. La double volonté de la société française d'être très organisée et de partager, a consommé une bonne partie de la croissance. Les prélèvements obligatoires (charges sociales et fiscales) ponctionnent pratiquement la moitié du PIB français (900 milliards sur les 1 900 milliards d'euros de PIB en 2009). Certes, par le biais de la redistribution, une partie est réinjectée dans l'économie, mais il est clair que nous payons là le prix de nos choix : celui d'être l'un des pays les plus administrés du monde et celui d'offrir une protection sociale parmi les plus élevée au monde.

En somme, en France, ce n'est pas « la pagaille » et on sait partager. Il est vrai que l'on sait aussi râler, mais souvent avec humour ! Et de l'humour, il va nous en falloir encore longtemps, puisque nous ne voulons rien réformer.

Alors, pour financer tout cela, nous travaillons, beaucoup : nous sommes l'un des pays du monde développé où l'on travaille le plus et de façon très productive. Mais cela ne suffit plus. La dette de la France se creuse (100 % de notre PIB). Simplement, n'oublions pas de prévenir nos enfants ! Après tout, il faut juste trouver les mots pour leur dire que nous émettons actuellement des emprunts d'Etat (des dettes) sur 50 ans, dans le but de maintenir nos valeurs : l'organisation, le partage et l'humour.

Pour les autres valeurs, comme par exemple celle qui consisterait à laisser à nos enfants une vie meilleure, comme l'on fait les générations passées, nous verrons plus tard.A moins que nous ayons un sursaut d'orgueil ; que nous acceptions de changer notre façon de penser « l'organisation de la Cité » et notre façon de partager, pour cesser de « cramer » le fruit de la croissance et même davantage.
 

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Commentaires 12
à écrit le 12/04/2010 à 12:48
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mais des petits manques. Sûr que les très riches ont pu être impactés par le creux boursier. Sauf que: vous en connaissez beaucoup (hormis les membres du CA) qui possèdent des actions "en direct" ? Et, sauf erreur de ma part, il était possible de jou...

à écrit le 12/04/2010 à 11:25
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Un article qui commençait bien mais qui finit sur une contrevérité. Encore un qui n'a pas compris qu'une génération transmet à la génération suivante la dette ... et sa contrepartie. En somme, en plus des équipements collectifs construits par notre ...

à écrit le 12/04/2010 à 6:49
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Excellent article qui reflète bien le mal français: on se plaint sans arrèt, alors que tout ne va pas si mal pour la plupart d'entre nous. Oui, c'est vrai qu'il y a des vrais misères: - un malade du cancer a droit à être soigné au frais de la commun...

à écrit le 12/04/2010 à 6:05
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Il faudra malgré tout que quelqu´un paie ces dettes, qu´elle soient créées pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Nos enfants auront également probablement des salaires de 1000 euros... et nos dettes à payer en sus.

à écrit le 12/04/2010 à 6:02
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Il faut bien lire entre les lignes de "...En réalité, c'est du coté de nos choix qu'il faut regarder. La double volonté de la société française d'être t r è s o r g a n i s é e et de partager, a consommé une bonne partie de la croissance"! ? "O...

à écrit le 12/04/2010 à 5:54
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l'immobilier a doublé : donc les proprios sont plus riches et ceux qui louent encaissent davantage de loyers ! on ne va pas les plaindre ... tandis que les jeunes ménages ont du mal à se loger faute d'assez de logements : les prix grimpent et il devi...

à écrit le 12/04/2010 à 4:49
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" Et de l'humour, il va nous en falloir encore longtemps, puisque nous ne voulons rien réformer. ".. A qui la faute, la MAJORITE des Francais (non fonctionnaires) est POUR, alors pourquoi attendre et faire l'autruche ??? (remarquez que la partie post...

à écrit le 10/04/2010 à 8:13
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je n'ai qu'un conseil à donner à Mr le professeur: qu'il essaye de vivre avec un salaire de 1000 EUROS par mois et il verra si, par exemple, la protection sociale coûte trop cher, si une retraite obtenue après 40 àu 42 ans de travail se montant à 850...

à écrit le 10/04/2010 à 5:56
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J'ai cru avoir lu par exemple que le coût de l'immigration était négatif de plus de 20 milliards d'euros par an. Il faut voir le nombre de femmes qui se mettent en femmes isolées pour toucher plus en alloc alors qu'elles vivent avec le père des enfan...

à écrit le 10/04/2010 à 5:48
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C'est bien la charge fiscale et sociale qui creuse la dette ,nous vivons au dessus de nos moyens depuis fort longtemps favorisant les délocalisations et fraudes Notre modéle doit être remis en cause Sur l'Express les salariés aiguilleurs du ciel tra...

à écrit le 09/04/2010 à 18:32
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Ah bon, la dette publique de la France n'a pas été surtout creusée pour payer le coût d'une crise financière et économique déclenchée par la cupidité de quelques spéculateurs ? Si on paye autant d'impôt, ce n'est pas parce que les grandes entreprises...

à écrit le 09/04/2010 à 13:26
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Votre article me laisse perplexe, culpabilisant et probablement faux. Le premier graphique : smic vit mieux que l'ouvrier ? étrange car cette catégorie englobe plusieurs catégories. Les cadres ne vivent pas bien ça on le savait mais à ce point ! Mor...

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