"Il y avait une manifestation hier qui était réussie, c'est évident"

Chaque semaine, La Tribune décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.

Au lendemain des manifestations du 24 juin, qui ont rassemblé entre 800.000 et 1,9 million de personnes, le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, a déclaré sur i-Télé : "il y avait une manifestation, hier, qui était réussie, c'est évident." Voilà une petite phrase bien anodine, et qui, à première vue, ne dit pas autre chose qu'une évidence, ou plutôt deux : primo, c'était "une" manifestation, sous-entendu "parmi d'autres", mais qui, secundo, "à l'évidence", a mobilisé beaucoup plus de Français que n'importe laquelle des manifestations en 2010.

"Jean-Claude Mailly a compris qu'il s'était bien passé quelque chose ce 24 juin", dit Jean-Marc Le Gall, conseil en stratégie sociale. Mais dans la bouche du leader de l'organisation syndicale qui a refusé de s'allier au mouvement unitaire, c'est déjà beaucoup moins anodin. "En "free rider" des mouvements sociaux, Jean-Claude Mailly est en train, l'air de rien, au détour d'une petite déclaration qui ne paie pas de mine, de faire amende honorable et de se rallier", dit encore Jean-Marc Le Gall.

De la part du premier syndicat dans la fonction publique, c'est là aussi, important, car c'est l'annonce d'un rassemblement public-privé de grande ampleur : "de la réduction des effectifs au gel des rémunérations pendant trois ans, en passant par une harmonisation progressive de leur régime de retraite sur celui des salariés du privé, les racines du mécontentement dans la fonction publique sont multiples et sont peut-être en train de s'agréger, lit Pierre-Eric Tixier, sociologue et professeur à Sciences po. Et en ce sens, ce mouvement a des traits communs avec celui de 1995." En somme, entre les lignes, germe peut-être une mobilisation de grande ampleur pour septembre.

Pourtant, cette petite phrase dit aussi quelque chose de moins glorieux sur FO : "ce revirement qui ne dit pas son nom souligne en creux l'énigme qu'est la stratégie de FO", décrypte Pierre-Éric Tixier. "En vertu de quelle rationalité a-t-elle tenu à avoir une position distincte des autres organisations, sachant que les positions autonomistes des syndicats sont toujours critiquées par les salariés ?", se demande Pierre-Eric Tixier. Ce qui est sûr, c'est qu'il reconnaît implicitement que le succès de ces manifestations invalide cette stratégie. Elle dit aussi la grande impuissance des organisations syndicales qui, comme le gouvernement, ont perdu toute maîtrise des mobilisations sociales, comme l'explique encore le sociologue. Plus personne n'est capable de dire si la mobilisation sera massive ou non, ni quelles sont la nature et l'intensité du rapport de force qui se construit. Chacun en est réduit à faire de la météo sociale en constatant a posteriori ce qui se passe chez les Français.

Mais si cette petite phrase porte en elle tant de contradictions, c'est précisément parce qu'elle reflète la contradiction fondamentale des syndicats dans la réforme des retraites : "d'un côté, ils réclament à cor et à cri plus d'équité, relève Hubert Landier. De l'autre, ils restent prisonniers du corporatisme de certaines professions qui défendent des statuts spécialement avantageux, des privilèges comme les régimes spéciaux ou le régime de la fonction publique. En digne représentant de FO, Jean-Claude Mailly est l'archétype de cette défense des corporatismes."

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