Rigueur et morale publique

Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

La France de l'été 2010 marque tous les symptômes de la fin de règne : crise des élites, Etat impécunieux, scandales financiers, sentiment d'impasse politique nourri à la fois par un pouvoir désorienté et une opposition terrifiante dans son déni de la réalité. Du jet privé d'Alain Joyandet financé sur fonds publics aux conflits d'intérêts dans lesquels Eric Woerth s'emberlificote, la décomposition s'accélère à un rythme préoccupant.

Le chef de l'Etat lui-même multiplie les faux pas. La France est en faillite, les ministres sont intempérants dans leurs dépenses personnelles ? Convoquons Thierry Henry et organisons les états généraux du football. Et si cela ne suffit pas, aux grands maux les grands remèdes, on nommera un médiateur. Appelez-moi Michel Rocard ! Avant son élection, Nicolas Sarkozy, pour critiquer Chirac, pourfendait les "rois fainéants" occupés à réparer les serrures alors que le pays était soulevé par la révolte. Le temps a passé. Et chaque monarque a sa façon à lui d'ignorer le peuple. Le président actuel, depuis les premiers instants de son mandat, prête le flanc à la critique dans sa relation à l'argent. La soirée pour fêter sa victoire au Fouquet's, en compagnie de grandes fortunes éminentes, et la forte augmentation de son salaire présidentiel, ont ombré le début de son quinquennat.

Autant dire que son tempérament ne le prédispose pas plus à être le président de la rigueur qu'à revêtir la chasuble d'un archevêque. Et la crise est arrivée. C'est elle qui impose la rigueur aux Français et, en principe, à leurs gouvernants. C'est elle qui donne leur relief aux scandales : par temps de disette, le vacarme du festin des privilégiés indispose les oreilles vulgaires de la "France d'en bas", qui ne sait pas s'amuser. De la crise aux scandales, il n'en faut pas davantage pour nourrir le besoin d'une autre rigueur, morale celle-ci. Sentiment très dangereux s'il est ignoré par le pouvoir car, ne trouvant pas d'écho, il ne s'éteint pas, mais se renforce au contraire, pour s'exprimer en dehors de la vie politique traditionnelle.

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