Pour éviter la grande braderie des terres agricoles

La vente massive de terres arables des pays pauvres aux pays riches qui en manquent pour assurer leur autonomie alimentaire, ou aux entreprises agroalimentaires, ne respecte pas ses promesses : l'intérêt des populations locales est ignoré, et celles-ci se retrouvent face à des hausses de prix agricoles, engendrant de fortes tensions sociales. NKM propose la création d'un label "agro-investissement responsable".

Comment nourrir les 9 milliards d'habitants que comptera la planète d'ici à quarante ans ? Le défi peut sembler considérable ; il est pourtant à notre portée à condition d'investir massivement dans les filières agricoles des pays du Sud. Aujourd'hui, dans ces pays souvent frappés par la malnutrition et tributaires de l'aide alimentaire, il devient de plus en plus fréquent de vendre ou de louer à des puissances qui n'ont pas chez elles suffisamment de surfaces cultivables pour assurer leur autonomie alimentaire, ou à des entreprises étrangères des terres, des exploitations mais aussi des récoltes.

C'est pourquoi les investissements étrangers représentent souvent, pour l'agriculture des pays en développement, une perspective prometteuse. Les gouvernements espèrent ainsi améliorer l'emploi, augmenter le niveau de vie des campagnes mais aussi accroître la productivité et le niveau de production des denrées. Or, dans les années à venir, ces investissements seront également pratiqués par les pays européens, y compris la France. Car c'est ainsi que l'industrie agroalimentaire bénéficiera des avantages offerts par ces territoires en termes de climat et, bien souvent, de coût de la main-d'oeuvre, qu'elle assurera ses approvisionnements tout en s'affranchissant de la hausse prévisible des prix.

 

Malheureusement, comme le montre le rapport qui vient de m'être remis par le Centre d'analyse stratégique, le scénario vertueux espéré par les pays qui vendent leurs terres agricoles est loin d'être toujours au rendez-vous. Les implantations, réalisées pour la plupart en Afrique, en Amérique latine, en Europe de l'Est et en Asie, sont aujourd'hui mal préparées et ne tiennent guère compte de l'intérêt des populations locales.

Trop d'achats de terres agricoles aboutissent dans ces pays à des effets déplorables comme la spoliation, l'augmentation du prix des denrées sur les marchés locaux, la réduction des surfaces dédiées aux cultures vivrières mais également de fortes tensions sociales entre les élites possédantes et les petits exploitants. Et lorsque des implantations sont avant tout motivées par un retour rapide sur investissement, les dommages sur l'environnement sont légion, qu'il s'agisse de la déforestation massive, de la diminution des ressources en eau ou de la pollution des nappes phréatiques par des produits chimiques.

 

Dès lors, comment permettre aux pays en développement de concilier le modèle d'agriculture industrielle, apporté par les investisseurs étrangers, avec le développement de l'agriculture familiale traditionnelle ? Si je ne crois guère dans ce domaine à un accord international qui engagerait les signataires, je suis convaincue en revanche que nous pourrions proposer aux pays qui le souhaiteraient une véritable aide à la définition d'une politique de gestion foncière. L'absence de cadre foncier reconnu dans une grande partie des États africains constitue en effet une source majeure de risque pour les financeurs.

D'un autre côté, faisons en sorte que les investisseurs s'engagent dans une démarche responsable et que leur projet ait un impact positif pour l'environnement comme pour les populations locales. La création d'un label "agro-investissement responsable", attribué par l'Union européenne ou la FAO aux industriels qui déclineraient cette démarche responsable, serait une véritable avancée. L'adhésion à cette démarche diminuerait les risques de long terme associés au projet et permettrait aux investisseurs d'obtenir de meilleurs taux d'emprunt. La publicité que ce label aurait auprès des consommateurs pourrait d'autant plus favoriser la vente des produits concernés.

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