"Mani pulite", dix ans après, n'oublions pas

Par Chantal Brunel, député UMP de Seine-et-Marne.

Deux ministres qui démissionnent, un troisième engouffré dans la spirale médiatique d'accusations sans nul fondement, des trains de vie décortiqués jusqu'au moindre centime : le climat de la France des semaines passées pourrait étrangement faire penser à celui de l'Italie à l'aube de la fameuse vague de procès qui a coûté la vie à toute une génération d'hommes politiques au début des années 1990.

Milan, 1992. S'ouvre la bien-nommée "opération mains propres" ("mani pulite"), censée nettoyer les faubourgs jusqu'alors impénétrés du pouvoir italien. Sous les dehors alléchants du grand justiciable - éternelle partition de notre gauche actuelle -, cette opération a en réalité entraîné sans le savoir une conséquence à l'encontre de ses attentes : un désistement complet des Italiens quant à la politique. Le sempiternel discours du "tous pourris" était de retour.

Quelques mois plus tard, le résultat était là : les Italiens portent au pouvoir un jeune entrepreneur milanais encore peu connu et dont le parcours est aussi propre que l'opération qui l'a précédé, un certain Silvio Berlusconi. Il est aujourd'hui critiqué par ceux-là même qui hier lui assuraient sa victoire. S'il ne faut pas comparer ce qui n'est pas comparable, il n'en demeure pas moins que la proximité de ces deux moments peut servir : à trop accuser, on finit en réalité par délégitimer non pas quelques hommes politiques mais LA politique, et laisser par là-même le champ libre à ces quelques-uns qui, n'ayant jamais brillé ni par leur vertu ni par leurs idées, ont attendu calmement qu'une pareille opportunité survienne.

La situation que vit notre pays présente le risque de plonger les Français dans une vision manichéenne qui opposerait les méchants malversateurs de droite d'un côté aux bons super-héros un brin moralisateurs de gauche de l'autre, toujours à la rescousse d'une justice trahie. Mais pour qui ceux-là prennent-ils les Français ? Au pire, pour de braves citoyens faciles à appâter, au mieux pour des individus à la mémoire courte. Car doit-on rappeler qu'un Mitterrand fut le premier à entretenir un foyer extraconjugal aux frais du contribuable, que Pierre Bergé ou Patrice Pelat ont vendu dans des conditions ô combien favorables leurs entreprises à des groupes contrôlés par l'État socialiste ?

Il est temps que chacun prenne ses responsabilités. Il n'y a ni bon ni méchant : il n'y a qu'un temps suffisant à laisser pour que la justice puisse faire son travail et jeter la lumière sur ce qui n'est encore qu'un inconnu. Ne nous laissons pas aveugler : le déchaînement des rumeurs, contrairement aux apparences, sert souvent la cause de ceux qui le méritent le moins. Ceux qui, bénéficiant d'une attention publique tout entière focalisée sur un seul homme, s'engouffrent dans la brèche et dissimulent les lacunes de leur programme derrière les atours séduisants de la critique.

Mieux vaut être prêt : la véhémence de cette critique n'aura d'égal que sa longévité. L'affaire ne s'arrêtera pas de sitôt. À peine le rapport de l'Inspection générale des finances est-il sorti que les accusations fusent au sujet de son absence d'indépendance, de la collusion directe dans laquelle il se trouve avec le ministère du Budget.

Certes, mais n'oublions pas que le premier à avoir pointé du doigt les limites d'un tel rapport n'est autre qu'Éric Woerth lui-même. Son attitude est la bonne : loin de se détourner du problème, il est le premier à l'affronter avec courage. Comme il l'a dit lui-même devant des millions de téléspectateurs : "La justice peut lancer les opérations qu'elle veut. Je le souhaite." Encore ces derniers jours, il a lui-même réclamé qu'une enquête soit mise en place afin que cette affaire - son affaire - soit jugée par un organe indépendant, loin des copinages politiques. N'oublions pas ce que disait Georges Pompidou alors injustement attaqué : "Lorsque l'on lance de la boue au visage de quelqu'un, on n'est pas sûr d'atteindre son but, mais on est sûr de se salir les mains."

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