Nicolas Sarkozy fait son François Mitterrand

Chaque semaine, Hélène Fontanaud, journaliste au service France de « La Tribune », propose son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir avant la prochaine élection présidentielle. Aujourd'hui?: quand Nicolas Sarkozy emprunte sa stratégie à François Mitterrand.

Ce n'est pas une nouvelle lubie. Depuis des années, Nicolas Sarkozy confesse en privé une admiration pour les méthodes subtilement assassines et florentines de François Mitterrand. Le chef de l'État le fait même parfois en public, ce qui lui permet, cerise sur le gâteau, de tacler au passage Jacques Chirac, adversaire malheureux du premier président socialiste de la Ve République.

Marqué par cette présence redoutable dans ses jeunes années politiques, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité depuis 2007 à puiser dans l'héritage de François Mitterrand : en reprenant à son compte la tactique de "l'ouverture", puis en lui empruntant son neveu, Frédéric Mitterrand, et même son ancien publicitaire, Jacques Séguéla. Sans oublier les affiches de campagne, sur fond champêtre paisible.

Préparant une seconde candidature à la magistrature suprême en 2012, Nicolas Sarkozy se tourne aujourd'hui tout naturellement vers la période où François Mitterrand, défait lors des législatives de 1986 après cinq ans de mandat, mûrissait sa revanche pour l'élection présidentielle de 1988. Le dirigeant socialiste avait réussi à imposer le thème de "la France unie", en se présentant comme le tenant de l'ordre républicain face au "clan" et aux "factions" de la droite. Un président "protecteur" tout comme celui que Nicolas Sarkozy entend incarner au lendemain de l'adoption de la réforme des retraites face à une gauche dont il souligne à l'envi les divisions et l'impréparation programmatique.

Le chef de l'État se plaît aussi à convoquer le souvenir de son prédécesseur lorsqu'il évoque devant ses visiteurs les choix qu'il aura à faire lors du remaniement de la fin de l'année. "Je fais mon François Mitterrand", plaisante-t-il.

Quand il fait de François Baroin un possible successeur pour François Fillon, il glisse avec gourmandise que ce serait parfait parce qu'il est "chiraquien". Pour les mêmes raisons, Nicolas Sarkozy laisse parler ceux qui font du "villepiniste" Bruno Le Maire un autre Premier ministre en puissance. Le président rêve de réitérer l'exploit machiavélique de François Mitterrand, qui avait nommé à Matignon son ennemi de toujours, Michel Rocard, soulignant cruellement qu'il allait "lever l'hypothèque". Dans ce cas de figure, Nicolas Sarkozy pourrait aller plus loin?! Pourquoi ne pas appeler à ses côtés le président du groupe UMP de l'Assemblée, Jean-François Copé??

Mais l'admiration, comme la comparaison, a ses limites. Dans le combat politique, Nicolas Sarkozy n'hésite pas à ressusciter l'adversaire idéologique. Il a ainsi reproché récemment à François Mitterrand d'être à l'origine de la décision "désastreuse" d'abaisser l'âge de la retraite à 60 ans en 1982. Et, vendredi, devant les parlementaires UMP à Biarritz, François Fillon a détourné la formule célèbre du leader socialiste pour assurer qu'en matière de réformes, la France ne pouvait "plus laisser le temps au temps".

Paradoxalement, ce sont les héritiers légitimes de François Mitterrand qui semblent aujourd'hui gênés par l'ombre tutélaire. Le fondateur du parti d'Épinay n'est plus le maître tacticien de référence. Sauf peut-être pour Ségolène Royal. La présidente de Poitou- Charentes en a appelé aux mânes du président défunt pour exhorter les Français à se battre « dos au mur » pour le maintien de la retraite à 60 ans. Et, lors de la réunion de Désirs d'avenir, le 18 septembre, elle a revendiqué la "force tranquille" du candidat de 1981. Vendredi, elle a fait de Nicolas Sarkozy un Louis XVI "qui fermait ses volets pour ne pas entendre le peuple gronder"... D'autres socialistes préfèrent la comparaison entre Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d'Estaing. "Tous les deux ont été bousculés par la crise et ont connu cette dérive monarchique avec des entourages qui ont fini par se détruire de l'intérieur", note François Hollande. Reste que Nicolas Sarkozy-Giscard ne connaît toujours pas celui des socialistes qui tentera d'être son François Mitterrand à l'élection de 2012...

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