Nucléaire civil : pour une initiative France-Chine (1/2)

Et si la France prenait l'initiative d'un partenariat stratégique avec la Chine dans le nucléaire civil ? La visite d'État du président Hu Jintao à Paris, du 4 au 6 novembre, pourrait en fournir l'occasion.

Toutes les économies du monde en développement se montrent de plus en plus voraces en énergies : impossible d'émerger, et encore plus de sortir du sous-développement, sans consommer d'énergies. Dans un contexte planétaire marqué par la raréfaction et le renchérissement des matières fossiles autant que par l'urgence de la lutte contre le changement climatique, le recours au nucléaire, source d'énergie propre, rentable et sûre, apparaît quasiment comme une solution de bon sens. De fait, l'énergie électronucléaire est un atout majeur de développement durable, à condition que toutes les précautions soient prises pour garantir la non-prolifération, la sûreté et la sécurité, par une gestion responsable des combustibles usés et des matières fissiles et radioactives.

Depuis quelques mois et de toutes parts, fleurissent les initiatives gouvernementales ou institutionnelles pour relancer cette filière : à l'occasion de la conférence internationale sur l'accès au nucléaire civil, qui s'est tenue à Paris les 8 et 9 mars dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé la création d'un « Institut international de l'énergie nucléaire », destiné à former les spécialistes du nucléaire civil. Or, ces initiatives, si elles témoignent d'une prise de conscience de l'urgence de la situation, et présentent une certaine utilité, sont cependant très insuffisantes. L'accès au nucléaire et la sécurité de la filière constituent des enjeux trop importants pour que l'on se contente de voeux pieux, pour que l'on se satisfasse de formes de coopération classique entre États. En effet, il est illusoire de compter sur la « bonne volonté » des différents acteurs pour qu'ils prennent une décision de bon sens.

En 1950, au sortir d'un conflit dévastateur pour tout le continent, la France a osé faire un geste fort, qui a permis de tourner vraiment la page de la guerre : en soudant le destin de la France et de l'Allemagne par une mise en commun de la production du charbon et de l'acier, le traité du 9 mai, la « Déclaration Schuman » instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), a rendu possible la naissance d'un nouveau monde, l'Europe. Or, il a fallu le courage visionnaire d'un homme, Jean Monnet, pour comprendre que cela ne pouvait se faire par des appels aussi solennels soient-ils à la bonne volonté des gouvernements, mais bien « par des réalisations concrètes créant une solidarité de fait ». C'est donc grâce à cette initiative extraordinaire, une construction originale et pragmatique, que furent ouvertes des perspectives inédites pour une nouvelle entité continentale.

Aujourd'hui, la France peut à nouveau prendre l'initiative d'un geste fort pour l'avenir de l'humanité : créer une Haute Autorité du nucléaire, à laquelle les États adhérents apporteraient leurs technologies et savoir-faire, et dont la double mission consisterait, sous le contrôle de l'AIEA, à garantir la sécurité de gestion des combustibles et déchets par l'emploi mutualisé des meilleures technologies aujourd'hui disponibles et à donner accès à l'énergie électronucléaire à l'ensemble des populations du monde.

À cet égard, la France dispose d'un savoir-faire unique sur l'ensemble de la filière électronucléaire civile de la production jusqu'au traitement des déchets. Elle a une expérience incomparable en sûreté et sécurité par sa maîtrise technologique et industrielle du recyclage des combustibles et déchets. Cette expérience du cycle intégré et fermé du combustible, pourquoi ne la mettrait-elle pas au service de tous ? En effet, seule la mutualisation des ressources des États dans ce secteur clé entraînera un engrenage vertueux capable de vaincre les rivalités et les tentations protectionnistes ou isolationnistes. Une véritable responsabilité collective appliquée à des processus industriels tangibles assurera la non-prolifération, la sûreté et la sécurité, ainsi que le développement durable, auxquels aspirent toutes les populations du monde.

Dans cette coopération d'un genre nouveau, la Chine serait un partenaire privilégié : elle montre un intérêt certain pour les technologies et savoir-faire français en bouclage du cycle nucléaire parce qu'organiser le recyclage du combustible usé, c'est répondre à la double exigence, non seulement de non-prolifération d'un nucléaire en croissance dispersée, mais surtout du développement énergétique mondial partagé, propre et durable. Les Chinois ont à coeur de lutter contre le changement climatique et sont prêts à y mettre les moyens. Une coopération bilatérale avec la Chine - ayant vocation à être élargie - permettrait de réduire les coûts d'investissement et de favoriser la négociation avec les primo-accédants : proposer de créer ensemble, dans le cadre de la Haute Autorité du nucléaire, une offre à la fois indiscutable en termes de sécurité et de compétitivité, voilà la contribution décisive que pourraient faire la France et la Chine à l'occasion de la visite du président Hu Jintao à Paris.

Demain (2/2) : quand les Chinois rêvent de La Hague.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.