Petite taxe pour amuser les foules

Par Éric Albert, correspondant à Londres pour La Tribune.

Soupir de soulagement à la City. Tout juste deux ans après la tempête financière, les banques savent désormais à quelle sauce régulatrice elles seront mangées : la potion sera douce et sucrée, avec à peine une légère pointe d'amertume postcrise. L'une des principales menaces vient d'être levée : la taxe sur les banques en Grande-Bretagne, actuellement en discussion au Parlement, n'aura rien de douloureux. Si elle s'applique dès le 1er janvier 2011, elle ne sera complètement effective qu'en 2013 pour rapporter 2,8 milliards d'euros par an. Pour mettre les choses en perspective, cela représente une hausse d'environ 10% de l'ardoise fiscale annuelle des banques au Royaume-Uni.

Politiquement, cela permet au gouvernement britannique de s'afficher comme le premier à avoir imposé une telle taxe, un signal fort pour le grand public. Mais la réalité est que ce nouvel impôt n'est guère plus qu'une mise au piquet pour un élève qui a mis le feu à l'école. D'abord, la baisse de l'impôt sur les sociétés de 28% à 24%, prévue par Downing Street, devrait très largement compenser le surplus fiscal à payer, d'après les calculs de JP Morgan Cazenove. Certaines banques pourraient même se retrouver gagnantes, y compris - c'est un comble - les banques quasi nationalisées Lloyds Banking Group et Royal Bank of Scotland. De plus, pour être sûr de ne pas effrayer les banques, George Osborne, le chancelier de l'Échiquier, a décidé de procéder à l'envers : le taux précis de taxation n'a pas encore été décidé ; seul l'objectif de lever 2,5 milliards de livres par an a été annoncé et tout va découler de là. Il n'y a donc aucun risque que la facture augmente.

Alors, à quoi bon cette taxe ? Si l'objectif était de punir les banques, ce n'est guère sévère. En comparaison, la Banque d'Angleterre estime que le coût du sauvetage bancaire a coûté à ce jour largement plus de 100 milliards de livres. Si la volonté, plus sérieuse, était de réduire les comportements à risques, on ne voit pas bien ce que cela changera. Certes, l'impôt sera imposé sur le bilan des banques, en excluant les fonds propres les plus liquides, ce qui devrait inciter les banques à conserver les actifs de bonne qualité. Mais l'impact devrait être au mieux marginal. Troisième objectif enfin : créer un fonds de garantie pour faire face à une éventuelle nouvelle crise financière. Mais le Trésor britannique n'a pas l'intention de mettre cet argent de côté...

Les banques semblent donc avoir gagné la bataille du lobbying. Leur argument, « si vous ne nous écoutez pas, nous irons ailleurs », a visiblement porté. Pourtant, il relève plus du bluff que d'une menace sérieuse, du moins pour les établissements bancaires. Mais l'absence d'accords internationaux sous l'égide du FMI pour éviter les délocalisations au seul motif réglementaire ou l'enterrement du projet d'une taxe internationale donnent une certaine crédibilité au discours des banquiers. Et les politiques sont désormais moins empressés à réformer le système bancaire international qu'à lutter contre la guerre des changes. Les États ont retrouvé leur logique de concurrence et les banques profitent logiquement de ce boulevard. La City a encore de belles années devant elle.

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