Encours en hausse, salaires en baisse

Par Eric Albert, à Londres
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Le montant s'élève à 1.917 milliards de dollars. Probablement trop précis pour être exact, le chiffre correspond aux encours des hedge funds à travers le monde fin 2010, selon les estimations de Hedge Fund Research (HFR). C'est, à quelques milliards près, le record atteint mi-2008. Ainsi, le cataclysme financier est-il désormais effacé. Cependant, il s'agit essentiellement d'un simple effet de marchés : les Bourses du monde entier progressent, et les hedge funds ne font que suivre le mouvement. La croissance de leurs encours en 2010 vient à 82 % de leur performance. Et les nouvelles collectes restent quatre fois moins importantes qu'en 2007. « Les investisseurs demeurent encore assez méfiants et craignent le risque », analyse Kenneth Heinz, le président de HFR. Bref, les fonds alternatifs n'ont pas encore complètement récupéré leur forme d'avant-crise. Et d'ailleurs, depuis 2008, quelque 3.080 fonds ont été liquidés et 2.150 fonds créés. Pour les investisseurs, la crise a également du bon. S'ils n'ont pas vraiment perdu leur arrogance légendaire, les gérants des hedge funds sont en effet obligés de faire un « effort ». Comprenez « baisse des prix ». Les rémunérations des gérants ne suivent plus la fameuse règle du « 2/20 », autrement dit, une commission de gestion de 2 % sur les encours et une commission de performance de 20 % au-delà d'une plus-value définie par contrat (la « surperformance »). Le tarif tourne aujourd'hui autour de « 1,58/19 ». Étant donné que beaucoup de hedge funds ne peuvent pas faire valoir la moindre « surperformance », cela signifie que leur rémunération a nettement baissé.

Il était temps. Car les rémunérations pratiquées auparavant frôlaient l'indécence. Au pic de 2007, plus de 80 % des hedge funds dépassaient en effet le critère de « surperformance » et les gérants empochaient des sommes incroyables, bien supérieures aux bonus des traders. Les commissions grevaient tellement la performance effectivement servie à l'investisseur que les fonds indiciels s'avéraient, une fois déduits les frais de gestion, plus rémunérateurs qu'un hedge fund, selon une étude de Mark Kritzman, professeur au MIT, publiée en 2007.

À l'époque, la justification des gérants était leur talent. On sait aujourd'hui qu'il n'en était rien. Les rendements qu'ils obtenaient étaient essentiellement un effet de marché : leur chute pendant la crise l'a démontré. La crise a aussi prouvé que les hedge funds, qui se voulaient une classe alternative d'actifs permettant de diversifier le portefeuille, étaient en fait fortement corrélés au marché. Rien d'étonnant : l'explosion des encours de l'industrie - tous les fonds de pension et grands institutionnels se sont rués sur les hedge funds en même temps - était telle que les hedge funds ne pouvaient plus jouer uniquement sur l'aberration du marché ou la niche mais le marché lui-même. Pas question cependant de lancer l'opprobre sur les fonds alternatifs. Toutes les études sérieuses montrent que les hedge funds ne sont pas à l'origine de la crise. Mais la leçon de la crise est bien pire pour l'industrie et ses « Mozart de la finance » : les gérants de hedge funds n'ont pas fait mieux que les gérants traditionnels et dès lors, leurs salaires faramineux sont de plus en plus difficiles à justifier. Le rapport de force est désormais plutôt en faveur de l'investisseur. Mais saura-t-il vraiment en profiter sur le long terme ? Ce n'est pas gagné d'avance.

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