Deux dangers, deux pays

Par Marc Fiorentino, d'Allofinance.
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Coïncidence. Le même jour, jeudi dernier, deux événements ont provoqué un affaiblissement brutal des marchés avec notamment une baisse de près de 2% notamment du Dow Jones et du Standard and Poor's. À la veille du premier sommet Européen, un sommet très attendu et qui préparera celui du 24 mars, l'agence de notation Moody's a dégradé la dette Espagnole de AA1 à AA2 avec des perspectives négatives et en prévenant d'ores et déjà que de nouvelles dégradations sont inévitables compte tenu du coût de restructuration du secteur bancaire Espagnol.

Dans une autre partie du monde, au même moment, une manifestation à Al-Qatif, dans l'est de l'Arabie Saoudite, était sévèrement réprimée par la police avec quelques blessés parmi les manifestants. Les deux événements, simultanés, ont provoqué une onde de choc sur les marchés. Quel rapport, me direz-vous, entre l'Espagne et l'Arabie Saoudite ? Ce sont les deux épicentres de deux séismes potentiellement dévastateurs : la crise européenne et la crise pétrolière. La crise européenne progresse par étapes annoncées. La Grèce, puis l'Irlande, puis le Portugal, avec un détour par la Belgique, mais la vraie fracture que craignent les marchés c'est l'Espagne. Même si les moyens du Fonds européen de stabilité financière sont élargis, l'Union européenne ne pourra pas résister à une attaque en règle contre l'Espagne. Les marchés le savent. Et les investisseurs le redoutent, d'où l'impact spectaculaire de chaque nouvelle concernant l'Espagne.

La crise pétrolière progresse elle aussi par étapes annoncées. Elle a commencé dans un pays sans pétrole, la Tunisie. Puis l'Egypte. Puis la Libye avec un détour par le Yémen. Puis Bahreïn et Oman mais le vrai enjeu tant politique que macroéconomique, c'est l'Arabie saoudite. Enjeu politique car l'Iran chiite rêve d'abattre son ennemi régional et il faut noter que la manifestation de jeudi était une manifestation organisée par la population chiite. C'est le cas également à Bahreïn où la majorité du pays est chiite mais le pouvoir est sunnite. Enjeu économique évident car l'Arabie saoudite est le poumon pétrolier du monde. Si les prix pétroliers restent stables, certes à un niveau élevé, c'est que l'Arabie Saoudite inonde le marché de pétrole pour compenser les effets des troubles en Libye et rassurer les pays consommateurs. Mais si l'Arabie Saoudite trébuche, même momentanément, l'approvisionnement mondial de pétrole sera affecté.

L'Arabie saoudite et l'Espagne. Les deux cauchemars des investisseurs. Les deux cauchemars des leaders politiques européens et américains.

Paradoxalement, preuve s'il en fallait d'un réalisme cynique des marchés, la résistance de Khadafi et sa contre-offensive ont rassuré les investisseurs, même s'ils ne l'avoueront jamais ouvertement. Si la Libye ne tombe pas, l'effet domino pourrait être ralenti et on prie à Riyad, on dit même qu'on envoie quelques soutiens discrets sur place, pour que le régime de Tripoli se maintienne au moins temporairement.

En Espagne, on espère aussi que le voisin portugais acceptera enfin de demander l'aide de l'Union européenne, une aide inéluctable, pour stopper l'effet contagion. Tant que les hedge funds spéculent sur le Portugal, ils spéculent aussi sur l'Espagne. Si le Portugal est "hors circuit" et sous perfusion européenne, l'Espagne peut espérer quelques mois de tranquillité, le temps de prouver qu'elle peut redresser sa situation économique et financière.

L'Arabie saoudite, l'Espagne, Riyad, Madrid, c'est le nouvel axe de combat de la spéculation et le nouvel axe du mal pour les investisseurs de long terme.

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