Des paradis fiscaux toujours paradisiaques

Par Eric Albert, correspondant de La Tribune à Londres.
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C'était il y a tout juste deux ans, au sommet du G20 de Londres : "le temps du secret bancaire est terminé", déclarait Nicolas Sarkozy, triomphant d'avoir réussi à faire publier une liste noire des paradis fiscaux. Bilan, deux ans plus tard : "rien n'a changé", constate Nicholas Shaxson, auteur d'un récent livre sur le sujet (*).

Les pays qui étaient sur la liste noire de l'OCDE en sont sortis quelques jours plus tard. Il leur suffisait pour cela de « promettre » de signer des accords d'échanges de renseignements fiscaux avec 12 autres pays. Cette promesse les faisait alors passer dans une liste grise, qui a elle-même rapidement diminué, au fur et à mesure que ces traités étaient effectivement ratifiés (il reste officiellement 8 pays récalcitrants). N'est-ce pas un progrès ? "Ces accords sont mieux que rien mais ils sont très faibles", estime Nicholas Shaxson. Principal problème : les mettre en oeuvre est souvent très difficile. Jersey, qui avait signé un tel accord avec les États-Unis en 2002, s'est longtemps vantée de ne l'avoir utilisé que six fois jusqu'à la crise financière. Soit environ une fois par an...

Ce bilan bien terne est réfuté par Pascal Saint-Amans, secrétaire du forum en charge de tenir la liste noire à l'OCDE. Selon lui, la pression s'est accentuée et a forcé les paradis fiscaux à changer. "Il n'y a presque plus de secret bancaire dans le monde", estime-t-il. Il n'est cependant pas naïf : l'évasion fiscale à grande échelle continue. Mais, selon lui, il est désormais possible, grâce à ces accords d'échanges d'informations, de poursuivre les tricheurs. Jersey aurait ainsi répondu à une quarantaine de demandes d'informations ces deux dernières années. Cet argument n'est cependant valable que pour le secret bancaire. Il laisse de côté des pans entiers de l'activité des paradis fiscaux, et en particulier, la fiscalité zéro.

Guernesey en est un bon exemple, sans être le pire du genre. Et pourtant, dans l'une de ses récentes autopromotions, elle se vantait d'un curieux phénomène : être le siège social de choix des entreprises indiennes cotées à la Bourse de Londres. Le phénomène résume bien à lui seul le réseau financier international qui s'est mis en place. Sur les huit sociétés indiennes qui se sont introduites en Bourse l'an dernier, trois ont choisi Guernesey et une l'île de Man, autre paradis fiscal notoire. Il est vrai que le taux d'imposition des sociétés à Guernesey est de... 0%, avec quelques exceptions à 10%. Ainsi, la société iEnergizer gère des centres d'appels en Inde pour des clients européens (des banques pour l'essentiel), lève des capitaux à la City grâce à sa cotation et son siège social est à Saint-Pierre-Port, capitale de l'île, ce qui lui a permis de supporter, au premier semestre 2010, un taux effectif d'imposition de 2,9% ! Vive la mondialisation ! Conclusion, selon Nicholas Shaxson, "le secret bancaire n'est pas tout et nous ne sommes certainement pas entrés dans une nouvelle ère de transparence".

(*) "Treasure Islands, Tax Havens and the Men who Stole the World", Editions The Bodley Head, 2011.

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