Vive la prime obligatoire !

Par Stéphane Soumier, rédacteur en chef de BFM Business.
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Et si je me faisais l'avocat du plus beau des diables qui hantent en ce moment notre débat économique national ? Est-il possible de défendre "la prime obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés qui augmentent les dividendes sur une base pluriannuelle et pour les autres faut voir" ? Sacré challenge ! Et pourtant, vous avez vu le chiffre la semaine dernière ? 75% des patrons de PME favorables à la prime ! Chiffre de l'Ifop pour la CGPME. Vous savez déjà pourquoi les patrons approuvent massivement : c'est que la prime est défiscalisée, c'est que les charges qu'ils vont payer sur ce complément de salaire vont passer de 45% à 6%. Ça va plus loin qu'une baisse marginale du coût du travail, ce pourrait être le moyen de rappeler qu'aucun chef d'entreprise, aucun, ne se satisfait du salaire qu'il verse à ses salariés. Qu'ils sautent sur la première occasion dès qu'ils peuvent lâcher un peu plus. Qu'ils savent parfaitement ce que représentent 1.250 euros par mois, et qu'ils sont effrayés tous les mois de voir ce que leur coûte le travail et ce qu'il rapporte vraiment. D'ailleurs, les patrons approuvent la prime à 79% dans le secteur des services, 78% dans le BTP, là où les salaires subissent la pression la plus forte.

L'autre élément qui peut faire vaciller sort sans doute du cabinet de Xavier Bertrand. En tout cas, c'est le ministre du Travail qui s'est mis le premier à rappeler le discours du CNPF au tournant des années 1960, quand le général de Gaulle mettait en place la participation : "la participation ne va fournir qu'un apport insignifiant à une minorité de salariés tout en affaiblissant et en désorganisant les entreprises." Plus personne aujourd'hui ne conteste la participation.

Je ne dis pas que la prime de printemps connaîtra le même sort (l'objectif d'une prime pérenne a d'ailleurs discrètement disparu), mais la comparaison incite à la réflexion. "Il n'y a pas de problème dans le partage de la valeur ajoutée", me disait récemment Raymond Soubie, "mais ce n'est pas la perception qu'en ont les gens. Or, en cette matière, la perception est plus importante que les faits". Un seul moyen, ajoutait-il, de modifier cette perception : "La transparence, donc des outils modernes pour permettre à chacun de comprendre ce partage."

C'est un fait que les dispositifs d'intéressement et de participation sont aujourd'hui totalement incompréhensibles ! Comme est incompréhensible que les partenaires sociaux n'aient pas avancé d'un pouce sur cette question en deux ans. Soyons clairs : soit il n'y a pas de problème, et la question de la transparence aurait dû être rapidement réglée, soit il y a un problème... et il faut le traiter au fond. Cette prime aura peut-être le mérite de rappeler au patronat l'existence d'une menace fantôme : les grands groupes du CAC 40 sont une réalité mondiale, chacun doit se féliciter de leur force. Ils continueront à distribuer des milliards de dividendes, que cela plaise ou non. Les autres entreprises en subiront les conséquences si elles ne trouvent pas le moyen de prouver leur bonne foi. Oui, je sais, il est profondément injuste d'avoir à fournir la preuve de son innocence, mais les choses sont ainsi faites. Franchement, cette prime est indolore. Mais, si rien n'est fait, le prochain coup fera beaucoup plus mal.

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