Veut-on encore rhabiller le roi nu ?

Par Sophie Peters éditorialiste à La Tribune.
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Digne d'un scénario de film, l'affaire DSK donnera peut-être lieu au prochain Festival de Cannes à un thriller palpitant. S'il occupe la scène médiatique depuis dimanche, un autre homme politique, tout aussi pulsionnel, va s'afficher sur grand écran aujourd'hui. À Cannes et en salles.

La sortie de "la Conquête", le film sur la montée au pouvoir de Sarkozy, peut donner un drôle d'écho à l'affaire DSK, voire une inquiétante continuité. Certes, le "coup de tonnerre " sera moins impressionnant et moins sulfureux. Mais partant du principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets, les révélations sur la personnalité de leur président de la République peuvent provoquer chez les Français un réveil pour le moins douloureux. Le feu des projecteurs éclaire d'un jour nouveau le vieux slogan "Tous pourris", avec le risque de détourner encore plus les citoyens des urnes. À moins de comprendre que la solitude du pouvoir rend les hommes fous, et que l'individualité poussée à son comble ne saurait être un gage républicain et démocratique.

Que ce soit l'affaire DSK ou le film sur Sarkozy, il y a fort à parier que ces images dessillent les yeux des citoyens. En la matière, notre pays souffre d'un déni de réalité. "Les Français, et les médias en particulier, sont particulièrement complaisants avec les figures du pouvoir. Ce n'est pas tant qu'ils cherchent à tuer le père mais ils sont dans une relation très infantile au pouvoir avec un père à la figure idéalisée", estime le psychiatre Davor Komplita. Selon lui, les écarts d'un président, dans le cas de Sarkozy, ou d'un présidentiable, dans celui de DSK, nous posent un tel cas de conscience et ébranlent à ce point notre admiration pour ces hommes et leurs fonctions qu'on va chercher à les protéger. "Exactement comme des enfants battus protègent leurs parents", poursuit le professeur.

En France, le pouvoir doit être charismatique ou ne pas être. Incarner l'arrogance et la supériorité, mais aussi le goût de la drague, est l'archétype culturel gaulois du politique. Au nom de la grandeur et de la verve, on pardonne beaucoup. Or la sortie du film sur Sarkozy comme l'affaire DSK marquent un tournant majeur dans notre vie politique et l'incarnation des figures du pouvoir.

Le long-métrage de Patrick Rotman ouvre une brèche passionnante dans ce paysage. Pour la première fois s'exprime une véritable liberté d'expression et d'opinion. Jamais la soif de pouvoir d'un président de la République en exercice n'avait été ainsi placée sous les feux de la rampe. Un film rendu possible par son héros. En mettant en scène sa vie privée, ses amis, ses amours, en montrant la part de tragique et de faiblesse contenue dans l'homme de pouvoir, Sarkozy a créé, par sa personnalité, une rupture dans la communication politique. "Il faut vraiment que tu dépoussières la vie politique, que tu la ringardises", lui souffle Cécilia dans ce film. S'il a contribué à humaniser la fonction, il l'a aussi rendue plus vulnérable. Mais les Français ne sont-ils pas las de ces jeux d'acteurs ? Jusqu'à quand allons-nous chercher à rhabiller le roi nu ? C'est bien connu : nous avons les gouvernants qui nous ressemblent. DSK comme Sarkozy sont des produits de notre temps, celui du triomphe des sens. "On craint moins Sarkozy en soi que comme symbole du monde qui rattrape la France et l'oblige dans la douleur à évoluer. Il est une bonne autobiographie du moment", note le sociologue Michel Maffesoli dans Sarkologies. Des hommes n'étant pas insensibles au luxe et aux plaisirs de l'existence, voilà tout ce qui, inconsciemment, attire. Mais heurte notre besoin d'admiration. Sommes-nous prêts à renoncer à notre ambivalence ? Le temps est venu de revisiter cette récente proximité.

En période de crise, le besoin, voire la nécessité de l'honnête homme commence à se faire jour. Reste à savoir si cette nouvelle forme de charisme, charisme au sens étymologique qui permet la cohésion, peut désormais se passer d'envolées lyriques et d'agitations médiatiques. En cherchant à apparaître aux yeux des Français comme un "type normal", François Hollande a bien saisi ce changement de paradigme. On ne saura qu'en 2012 si les Français veulent ou non de cette normalité jugée pour le moment encore un peu fade.

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