Allemagne : le sentiment de puissance

Par Marc Fiorentino, d'Allofinance.com.
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On s'est réjoui en France de notre croissance de 1% au premier trimestre. C'est normal. Une croissance déjà acquise pour l'année de 1,6% et des perspectives de croissance de 2% pour 2011, c'est une satisfaction. Même si les grincheux de service peuvent couper le chiffre en quatre et nous expliquer qu'on ne devrait pas se réjouir du beau temps car il pleuvra demain. Mais si, en France, on se réjouit, en Allemagne on peut parler d'euphorie. Les indicateurs économiques se suivent et se ressemblent, et ressemblent d'ailleurs de plus en plus à ceux d'une économie émergente.

L'Allemagne sort du tunnel. Un tunnel de près de vingt ans. Le tunnel de la réunification suivie de la crise financière. Vingt ans d'efforts, vingt ans de sacrifices, vingt ans où, contrairement à la France, personne n'a réclamé de hausse des dépenses publiques ou des salaires tant que les caisses étaient vides. Vingt ans de consensus social avec des syndicats de système responsables, des grandes entreprises challengées mais socialement responsables, un tissu de PME puissant et soutenu par les pouvoirs publics, des salariés patients, des actionnaires décents et un gouvernement sobre et efficace.

Les résultats sont tout simplement bluffants. Une croissance au premier trimestre de 1,5% par rapport au trimestre précédent mais de 5,2% par rapport à l'année précédente. Bien au-delà des prévisions les plus optimistes. Une croissance tirée par TOUS les moteurs de l'économie, y compris la consommation des ménages et, bien sûr, l'investissement, comme toujours. Le chômage allemand est en chute libre : 7,1%. Au plus bas depuis 1992 avec moins de 3 millions de chômeurs. L'Allemagne est le seul pays européen, avec son satellite, le Luxembourg, à avoir retrouvé les niveaux d'emplois de l'avant-crise. Et on parle maintenant outre-Rhin de hausse de salaires et même de baisse d'impôts. Hausse des salaires et baisse d'impôts... le rêve !

J'ai cependant un petit souci. J'aime l'Allemagne quand elle est dans le consensus et dans l'efficacité, dans l'effort et dans le réalisme, parfois un peu austère. Mais on sent le vent tourner. L'Allemagne commence à être grisée par ses succès et à jouer un jeu dangereux au sein de l'Europe. Donner des leçons. Imposer son modèle. Et devenir un peu méprisante.

Lors d'une réunion politique de son parti, certes en grande difficulté et à la pêche aux voix, la chancelière Angela Merkel a mené une charge assez violente : "il faudrait que, en Grèce, en Espagne ou au Portugal, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu'en Allemagne... Nous ne pouvons pas avoir une monnaie commune et certains avoir beaucoup de vacances et d'autres trop peu..." Elle n'a pas cité la France mais la France était visée aussi. Le propos reflète une réalité. On ne peut pas demander à l'Allemagne de se sacrifier à nouveau pour des pays qui ne s'alignent pas sur la même valeur travail. Mais le propos est volontairement caricatural et omet le rôle qu'ont pu jouer les pays de l'Europe du Sud et de l'Europe en général dans le rebond de la croissance allemande.

L'Allemagne triomphe mais l'Allemagne se doit d'avoir le triomphe modeste. Les remontées de terrain des chefs d'entreprises allemandes n'indiquent aucun ralentissement à prévoir dans les mois qui viennent. Le train à grande vitesse allemand est sorti du tunnel. L'Allemagne a repris le leadership économique de l'Europe. C'est une lourde responsabilité. Espérons qu'elle l'exercera avec pondération, malgré les enjeux électoraux.

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