Universités : la révolution du grand emprunt

Par Philippe Braidy, président de CDC Entreprises
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Jamais les pouvoirs publics n'auront mobilisé autant de moyens pour la recherche et l'enseignement supérieur : 35 milliards d'euros avec le Programme d'investissement d'avenir (PIA), communément appelé grand emprunt, dont plus de 22 milliards pour la recherche, 5 milliards pour le Plan campus et la rénovation des universités. Dans le même temps, avec la création du Fonds stratégique d'investissement (FSI), ils mobilisaient des moyens considérables pour le financement de nos entreprises. Dans un contexte où les finances publiques se fixent partout en Europe le cap de la rigueur, c'est une chance historique qu'attendaient tous les acteurs de l'enseignement supérieur, et qui intervient à un moment capital pour notre pays : celui de l'après-crise où la qualité de nos formations, la recherche et l'innovation vont jouer un rôle essentiel dans le développement de nos emplois, de nos entreprises et la compétitivité de notre pays.

Au-delà de l'importance des moyens mobilisés, il faut saluer aussi le fait que, pour la première fois depuis longtemps, cet effort de l'État s'inscrit dans le long terme. La parole est donnée aux acteurs et à leurs projets, dégagés du carcan de l'annualité budgétaire.

Car le PIA n'est pas seulement l'occasion d'une mobilisation exceptionnelle de moyens ; il inaugure une nouvelle méthode, déjà pratiquée dans d'autres pays européens mais rompant avec nos traditions jacobines : celle de l'appel à projets. Cette innovation dans la gouvernance publique, qui n'a pas toujours été suffisamment soulignée, a des conséquences considérables qui donnent au PIA sa véritable portée.

La première de ces conséquences, c'est d'avoir suscité un bouillonnement d'idées et d'initiatives sans précédent. "Penser global, agir local !" L'État a appliqué cet adage cher à certains chefs d'entreprise en fixant les orientations et en donnant l'impulsion mais il a confié aux universités, aux entreprises, aux pôles de compétitivité ainsi qu'aux collectivités locales le soin de susciter et de construire les projets. Ce qui fera le succès des universités dans l'aboutissement de leurs réalisations et la rapidité de leur mise en oeuvre, ce sera pour beaucoup la qualité de leurs idées et de leurs initiatives ainsi que la mobilisation de leurs équipes et des acteurs locaux. Chacun a compris l'enjeu et fait face aux sceptiques qui doutent parfois de l'engagement dans la durée des pouvoirs publics. Cet élan suscité par le PIA est peut-être la meilleure garantie : le mouvement est engagé, qu'il s'agisse de la rénovation des campus, de la mutualisation des moyens entre universités, de la structuration du dispositif de valorisation de recherche avec les Satt et France Brevets... Personne ne peut désormais prendre le risque de décevoir des attentes aussi fortes et aussi essentielles à l'avenir de notre pays.

Et c'est là le second point. Le succès du PIA, pour les universités, ne se mesurera pas en fonction des seuls moyens investis et du rythme auquel ils auront été engagés. Le rendez-vous est celui de la compétition internationale dans laquelle est engagé notre dispositif de recherche et d'enseignement supérieur. L'urgence de la crise internationale et l'importance de conserver à la recherche et à l'innovation de notre pays son niveau d'excellence justifient la rapidité d'exécution ; elles justifient aussi l'audace et la prise de risque car on ne construit pas l'avenir sur les schémas du passé. Mais, in fine, seul le résultat compte, c'est-à-dire la capacité de nos universités à fournir le meilleur enseignement, la meilleure recherche et à irriguer de leurs talents les entreprises.

Or le succès ne sera mesurable qu'à terme ; il dépendra de nombreux facteurs : la pertinence des objectifs, la qualité et la cohérence des conceptions et des réalisations, l'efficacité des gouvernances, l'ouverture des projets universitaires sur les acteurs économiques. Le processus d'évaluation, qui est un des socles de la démarche engagée par le PIA, est un facteur essentiel ; pour les universités, il est la garantie que seule compte la qualité des projets et que chacun a sa chance dans le mouvement qui s'engage ; pour l'État et les parlementaires, il est la garantie que cet effort exceptionnel atteindra l'ambition qu'ils se sont fixée ; pour notre pays et pour chacun de nous, il est la garantie qu'une nouvelle dynamique, celle de Lisbonne qui fait de l'innovation le socle de notre développement économique, est définitivement enclenchée et qu'elle continuera son chemin très au-delà de l'horizon du PIA.

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