D'Areva à France Télécom, le devoir de convaincre

Par Stéphane Soumier, rédacteur en chef BFM Business.
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Le révélateur des marchés ! L'expression vous énerve ? On peut penser qu'elle n'a pas de sens. Révélateur de quoi ? De ce qu'aura choisi le mouton de tête ? D'une ambiance du moment ? Et pourtant, les stratèges savent que seule cette voix des marchés validera leurs choix, à tort ou à raison. Cette semaine, deux destins industriels vont tester le "révélateur" : Areva et France Télécome. Deux destins qui appartiennent à notre histoire, et qu'il faut réinventer.

Car il faut qu'Anne Lauvergeon le dise haut et fort : il y a un avant et un après Fukushima. La semaine dernière, ce n'était pourtant pas l'ambiance dans la filière. Sous l'impulsion d'EDF, on sentait une furieuse envie de tourner la page. Tepco se serait comporté de manière invraisemblable, depuis des années, contournant les réglementations, méprisant les lois. Et l'on commence à expliquer que cet accident est finalement comparable à Tchernobyl : ce n'est pas un accident du nucléaire, c'est un accident de la fraude et de l'incompétence. Position invraisemblable quand s'additionnent, jour après jour, les signes d'un changement profond. Je retiens le plus spectaculaire : le géant industriel Siemens laisse filtrer qu'il pourrait arrêter ses activités nucléaires. Lui qui prenait, il y a quelques mois à peine, des paris considérables en Russie, sur cette énergie.

 

Tout à l'heure, Anne Lauvergeon va donner son sentiment. Pour un rendez-vous étrange parce qu'il semble appartenir à une autre époque. Techniquement, ce n'est rien : conversion en actions classiques de certificats d'investissement, mais on sent bien que pour le groupe c'est le début d'une nouvelle histoire. La Cogema est sortie de l'ombre, elle est partie à la conquête du monde, elle doit maintenant trouver sur les marchés les moyens de financer sa croissance. Il y a six mois, personne n'avait le moindre doute. Aujourd'hui, le défi semble insurmontable. Il va falloir raconter une histoire radicalement nouvelle. Il ne suffira pas de dire « nous avons les réacteurs les plus sûrs du monde », il va falloir démontrer la pertinence du choix nucléaire, et donc apporter des garanties absolues de transparence, avec une vision à très long terme de ce que nous léguera cette énergie. Démantèlement des centrales, gestion des déchets, impossible d'occulter ces questions-là.

La situation de Stéphane Richard, le PDG de France Télécom, est parfaitement inverse. Personne ne remet en cause la force de croissance des télécoms. La question, c'est la capacité de l'entreprise à suivre le rythme. D'ailleurs, on dit quoi aujourd'hui, France Télécom ou Orange ? Vous le savez, vous ? La question résume toute l'ambiguïté de l'entreprise. L'héritière d'un service public ? Solidité séculaire, mais sans doute condamnée au lent déclin des grands dinosaures. Ou bien l'entreprise high-tech, branchée sur l'innovation, le mouvement, le dynamisme commercial, mais dont les salariés historiques ne peuvent pas suivre le rythme ?

 

Mardi, Stéphane Richard a donné rendez-vous aux investisseurs. Il sait qu'ils voudront une réponse. Son titre est à l'arrêt en Bourse, mais le PDG laisse filtrer depuis quelque temps une forme d'assurance tranquille : "Vous feriez un pari à quinze ans sur Facebook ou Google ? Moi, je ne sais pas, dit-il, par contre France Télécom sera encore là, personne n'en doute. » C'est peut-être la solution, « mode brise-glace" diraient les ados, j'avance lentement mais je pulvérise tout ce qui passe. En tout cas, pour Areva comme pour France Télécom, l'enjeu de la semaine c'est de commencer à nous convaincre qu'ils contrôlent leur destin.

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