Pour une régulation contraignante du secteur bancaire

Par Olivier Lecomte
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Les marchés se sont envolés vendredi, tirés par les valeurs financières, sur fond de rumeurs d'assouplissement du nouveau jeu de règles prudentielles (connu sous le nom de Bâle III) devant s'appliquer aux banques. Observons d'abord que saluer l'allégement présumé d'une contrainte destinée à rendre le système financier plus solide, c'est un peu comme fêter le relèvement du taux d'alcoolémie acceptable au volant : réjouissons-nous, il y aura plus de morts !

 

En sens inverse, une semaine plus tôt, sept pays - dont le Royaume-Uni, la Suède et l'Espagne - avaient demandé une application plus stricte de Bâle III, se plaignant dans une lettre à Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur et aux Services, que la Commission envisage d'édicter les nouvelles règles sous la forme d'une régulation plutôt que d'une directive. Ils considéraient que la directive leur permettrait de fixer des exigences supérieures s'ils le jugeaient utile, ce qui serait impossible dans le cas d'une régulation. Enfin, l'European Banking Association (lobby qui regroupe les fédérations bancaires des États membres) avait aussi écrit à M. Barnier - dont la boîte aux lettres doit déborder - le 16 mai pour le mettre en garde contre les effets néfastes pour l'économie qu'auraient certaines des exigences contenues dans Bâle III en matière de liquidité. Antienne maintes fois entendue. Face à cette cacophonie, M. Barnier a dû se fendre d'un bref communiqué pour réaffirmer sa détermination à appliquer Bâle III sans mollir.

Essayons de mettre les choses au clair. Il existe un déséquilibre fondamental entre les régulateurs, qui font un métier technique, défendent l'intérêt général et communiquent peu, et les lobbys, qui protègent des intérêts particuliers et sont payés pour formuler de pseudo-argumentaires, trop souvent repris sans commentaire critique. J'avais souligné dans ces mêmes colonnes, en avril et en novembre, à la fois la nécessité de durcir les régulations et la difficulté à le faire du triple fait de la complexité du système, du lobbying des banques et du manque de coopération des États. L'actualité en donne malheureusement une illustration.

Rappelons donc une nouvelle fois que la crise financière de 2008 a aussi marqué l'échec des « régulations douces » et de bon nombre d'autres credo que la profession bancaire mettait inlassablement en avant à l'époque (optimisation fine du capital, modification du modèle de distribution de crédit, etc.). Quand, début 2007, Nout Wellink, président du Comité de Bâle, avait mis en garde contre les risques que cela impliquait, très peu l'avaient entendu. Ne refaisons pas la même erreur ! Soyons vigilants et intransigeants sur l'application et la supervision des nouvelles règles. Un exemple : les protestations de l'European Banking Association sur la liquidité, citées plus haut, oublient juste de mentionner que les banques européennes avaient, fin 2007, accumulé un déséquilibre entre leurs emplois en dollar et leurs ressources en euro pour la bagatelle de 1.000 milliards (Banque des règlements internationaux, « Global liquidity : a view from Basel », 26 mai 2011) alimentant un gigantesque gap de liquidité, qui ne fut surmonté que par un accord exceptionnel entre la BCE et la Fed.

 

N'oublions pas non plus que le chantier doit se poursuivre sans relâche, avec des propositions plus ambitieuses sur les établissements présentant un risque systémique attendues en juin de la part du Comité de Bâle. Ne perdons pas de vue, enfin, le développement rapide et inquiétant du « shadow banking », circuit financier échappant aux établissements financiers régulés. Bref, si l'on veut éviter de nouveaux désastres, l'heure n'est plus à la régulation douce mais aux mesures contraignantes et à la collaboration internationale.

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