Le risque et la décision politique

Le Centre d'analyse stratégique (CAS) vient de publier ses propositions pour prendre en compte le risque dans les politiques publiques. L'enjeu est d'améliorer la décision publique en la rendant compréhensible pour le citoyen.
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Le tsunami japonais et la catastrophe de Fukushima viennent nous rappeler combien l'appréhension du risque et son évaluation constituent une composante essentielle d'un programme d'investissement public. La réponse serait simple si un surcroît de dépense pouvait suffire à les prévenir. Malheureusement, le risque zéro n'existe quasiment jamais.

Dès lors, la question se pose en termes de dépenses à consentir pour éviter un événement par essence incertain : jusqu'où aller pour garantir une diminution de 10 % des accidents mortels sur le réseau routier, jusqu'où vacciner pour diminuer de 5 % la probabilité d'une pandémie grippale ? Ne rien faire serait condamnable du point de vue collectif, vouloir supprimer tous les risques entraînerait des coûts prohibitifs. La science économique peut éclairer le politique afin de lui permettre d'appliquer, en toute transparence et au mieux de l'intérêt collectif, un principe de proportionnalité et de cohérence entre les décisions prises et des enjeux collectifs clairement précisés.

Dans la plupart des cas, les décisions collectives doivent être prises dans un monde extrêmement incertain, qui perturbe le débat public au risque de biaiser le choix des décideurs. Citons, parmi nombre d'exemples, les autorisations de nouveaux médicaments, les investissements dans les infrastructures de transport ou de production d'énergie ou les innovations biogénétiques. À la demande du gouvernement, le Centre d'Analyse Stratégique a réuni un comité d'experts pour réfléchir à la meilleure manière de prendre en compte le risque dans les politiques publiques. Certaines recommandations du rapport relèvent du bon sens.

Pour lutter contre la tendance naturelle à embellir les projets, leur évaluation devra contenir une description transparente, argumentée et précise des hypothèses retenues. C'est une condition nécessaire du bon exercice de la démocratie. L'évaluation devra également tenir compte du degré d'irréversibilité des engagements, afin de valoriser les projets qui laissent le plus de possibilité d'adaptation aux événements futurs.

Le rapport propose par ailleurs des règles opérationnelles permettant de hiérarchiser des projets risqués face à la contrainte budgétaire, qu'il n'est plus possible d'éluder. Dans le cas le plus simple, un projet dont l'impact ne présente pas d'incertitude devra être choisi si sa valeur nette actualisée à un taux de 4 % est positive. Ce taux reflète notre valeur collective face au temps. Hélas, rares sont les projets publics sans incertitude. Le rapport propose que ceux qui ont pour effet d'accroître le risque porté par les citoyens soient rétrogradés dans les priorités collectives, pour tenir compte d'une réalité universelle : l'aversion au risque des êtres humains, qui accordent une préférence plus importante au présent qu'à un avenir risqué. Cette pénalisation se traduirait par une hausse du taux d'actualisation, modulée en fonction des risques du projet.

Par exemple, un projet dont les bénéfices nets socio-économiques sont parfaitement alignés sur la croissance future devrait être actualisé à 7 %. Une telle différenciation des taux d'actualisation permettrait d'orienter les politiques publiques en faveur des projets qui réduisent les risques portés par les ménages, comme les politiques de prévention des risques sanitaires et environnementaux.

Enfin, le rapport rappelle l'importance des événements extrêmes. Dans de nombreux cas (crises financières, risque industriel...), ils peuvent se produire bien plus souvent que prévu. Il est alors nécessaire d'abandonner l'approche standard pour revenir à une analyse plus fondamentale, similaire à celle que le rapport Stern a mise en oeuvre dans l'estimation des effets du changement climatique. Des travaux récents, notamment ceux de Barro à Harvard, semblent d'ailleurs montrer que la prise en compte de la plausibilité d'événements extrêmes rend l'évaluation économique des risques sensiblement plus proche de la manière dont les citoyens se comportent effectivement face à eux.

Au final, l'enjeu est bien d'améliorer la décision publique tout en la rendant compréhensible pour les citoyens. Le risque ne peut être éliminé des décisions publiques, mais il doit être évalué et maîtrisé. Notre rapport repose sur la conviction qu'une meilleure prise en compte du risque, loin d'alimenter les craintes, peut conduire à des décisions collectives non seulement de meilleure qualité mais aussi mieux acceptées car plus transparentes.

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