Malgré la crise, les marques américaines étendent leur influence

Par Emmanuel Niddam, fondateur du cabinet de conseil en communication Exercices de Style et Éric Halimi, Journaliste
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Des attentats du 11 septembre 2001 au 6 août 2011, date de la dégradation de la note de Standard and Poor's, jamais l'influence des États-Unis n'a autant été remise en question, et jamais pourtant elle ne s'est si nettement manifestée sur la planète. Ce plébiscite mondial sans précédent passe d'abord par celui des marques américaines. Ces dix dernières années, Internet, réseau d'invention américaine, a vu croître le nombre de ses utilisateurs de 250 millions en 2000 à plus de 7 milliards aujourd'hui. Apple s'est extrait d'une communauté de graphistes et vidéastes pour conquérir les coeurs de plus de 100 millions de mobinautes de toutes nationalités. Amazon ne vend plus seulement des livres, et commercialise tout, sous tous les cieux. Enfin, Facebook a instauré l'amitié comme lien officiel entre 750 millions d'humains.

Ce plébiscite digital est profondément politique. Le printemps arabe en témoigne. Non pas qu'une responsabilité directe n'en revienne à Barack Obama, mais bien parce que les marques Twitter, Facebook et Google ont exporté le désir de liberté et de démocratie jusque sous les portes closes des pires dictatures. Les marques commerciales exercent donc une part majeure de l'influence des États-Unis sur le monde, avec la bénédiction des sommets de l'État et des simples électeurs.

Les Américains font également une place particulière aux marques dans l'émotion de la mémoire nationale. Henry Ford a associé son histoire industrielle à celle des Américains, pour qui il reste celui qui permit à chacun de posséder sa voiture. Cette année en compétition aux Cannes Lions, festival international de publicité, un film mêlait les industries désaffectées de Detroit, le visage du rappeur Eminem, et la toute nouvelle berline de Chrysler. Ce film remporta notamment le prix du Meilleur Scénario : preuve d'un talent particulier pour mettre en scène les marques dans leur histoire nationale.

Les marques sont depuis longtemps les ambassadrices des idéaux américains. Le très conservateur Earl Tupper, fondateur de Tupperware, exporta ainsi sur les cinq continents la libre participation des épouses aux finances du ménage, à condition de ne circuler que de cuisine en cuisine. Le géant Apple diffuse aussi des aspirations plus profondes de la société américaine, comme l'aspiration spirituelle et religieuse.

Ainsi, par l'étude des zones cérébrales de fans d'Apple soumis à une IRM, des neurologues anglais ont établi une analogie : l'évocation d'Apple mobilise chez ses fans les mêmes zones cérébrales que celles activées dans le cerveau de croyants à l'évocation d'images religieuses. Les marques traduisent aussi les débats idéologiques qui agitent les États-Unis, à l'image de la concurrence entre Google et Apple. D'un côté, Google propose une liberté inclusive très démocrate : utiliser Google n'appelle aucun effort technologique ni financier, mais il suffit d'effectuer une recherche Google pour ne plus pouvoir y renoncer. Totalement gratuit, Google place chaque question à deux clics de sa réponse, et nous rend chaque jour un peu plus « Google-dépendants ». De l'autre côté, Apple propose une version plus républicaine d'une liberté exclusive. Des efforts technologiques et financiers sont incontournables pour entrer dans un univers de solutions particulièrement soignées. Peu d'élus accèdent donc à cette liberté-là : malgré l'engouement que l'on connaît en France pour l'iPhone, en 2011 se vendent bien plus de téléphones intégrant le système Google que de mobiles signés Apple. Déception ou joie, le déclin de l'empire américain n'est pas encore là, et il serait réducteur de croire que cette puissance ne repose que sur les finances d'un État. En Europe, reconnaître aux marques une place à part entière dans notre histoire et nos aspirations renforcerait nos entreprises tout en renforçant notre union dans la compétition mondiale.

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Commentaire 1
à écrit le 04/09/2011 à 13:19
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Si seulement nos marques nous apportaient le même prestige... Evidemment, le luxe n'est pas sans faire rêver mais qu'est-ce par rapport à des marques qui contribuent à renverser des dictatures ?

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