Pour une règle d'or fiscale, une protection minimale des épargnants

Par Philippe Baillot, professeur associé à Paris II, directeur d'un département de banque privée.
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Le nouveau recul des marchés actions, les interrogations sur le remboursement des dettes souveraines, les bulles immobilières (éclatées ou annoncées) apparentent, de plus en plus, la gestion d'un patrimoine à "la conduite sur glace, par temps de brouillard". En France, cette réalité se double d'une funeste insécurité fiscale. En l'absence d'une véritable politique de réduction de la dépense publique, la seule certitude réside en une hausse annoncée des prélèvements fiscaux et sociaux.

À l'évidence, seule une majoration des taux de TVA serait à la hauteur des enjeux budgétaires. En son absence, le renforcement des prélèvements, sur le patrimoine des Français, revêtira trois modalités :

- un élargissement de leur assiette (à l'image de la CSG) ;

- une hausse de leurs taux (à l'exemple annoncé, encore, de la CSG) ;

- une chasse aux niches fiscales. A cet égard, la pratique dite du "rabot" constitue une parfaite illustration d'une incapacité d'énoncer et de procéder à de véritables choix politiques. Or, le dommage n'est pas tant dans la hausse inéluctable des prélèvements que dans ses modalités.

En l'absence de tout consensus politique et sans la moindre planification - aggravée d'un effet "deuxième tour", programmé pour 2012 -, cette majoration annoncée s'accompagne, en effet, d'une illisibilité et imprévisibilité croissantes de notre fiscalité, interdisant tout calcul économique et atteinte d'un optimum patrimonial.

A cet égard, l'inscription dans l'article 1er de notre Code général des impôts (CGI) du principe d'un "bouclier fiscal", suivie, en moins de cinq ans, de sa suppression par la même majorité constitue une illustration presque pure de ce "mal français". Ainsi seul l'article 0 bis du CGI apparaît-il inscrit dans le marbre : "nul n'est censé ignorer la loi fiscale à venir" !

Le "vibrionnisme" de notre législateur - selon le joli mot du Conseil des impôts - conduit le contribuable à ne plus accorder le moindre crédit à la parole de l'État. Traditionnellement, la fiscalité vise un double objectif :

- assurer le financement de nos dépenses publiques ;

- orienter le comportement des contribuables.

Cette seconde dimension tend à disparaître. Un contribuable conséquent ne pourra plus demain viser que le bénéfice des seuls avantages fiscaux dits "one shot". Ceux dont tous les effets sont consommés sur un exercice fiscal et ne peuvent faire l'objet de modification, voire d'une reprise ultérieure. La capacité de notre État à orienter nos comportements collectifs s'en trouve gravement réduite.

Sur le plan de la fiscalité de l'épargne, l'agitation de notre législateur s'avère d'autant plus dommageable qu'elle s'assortit d'un caractère rétroactif des mesures nouvellement adoptées, dans une précipitation sans cesse accrue.

Naturellement, les nouveaux prélèvements s'appliquent, le plus souvent, à des faits générateurs postérieurs à leur adoption (rachat d'un contrat d'assurance-vie, cession d'un actif en plus-value,... ).

L'insécurité ressentie provient du fait que le prélèvement nouveau taxera en totalité un stock d'épargne, constitué sous l'empire de la loi antérieure, dans la croyance naturelle à sa taxation au taux initialement communiqué.

Cette rétroactivité de fait illustre l'incapacité de notre Etat à accompagner durablement les efforts des épargnants. Or, l'allongement de l'espérance de vie et ses corollaires - la crise de nos régimes de retraite par répartition et l'explosion des besoins de financement de la dépendance - induisent la nécessité pour les épargnants français de procéder à un transfert massif de pouvoir d'achat sur la (très) longue durée (20, 30,... ans).

Pour le favoriser, l'épargne longue correspondante devrait, dès lors, bénéficier d'une fiscalité viagère. Aussi l'adoption d'une "règle d'or" fiscale constituerait-elle un utile pendant au projet budgétaire européen actuel et une juste application du principe de "sécurité juridique", énoncé par la Cour de justice. Elle inscrirait dans notre Constitution le caractère viager de la fiscalité de toute épargne longue, ses caractéristiques étant arrêtées et connues au jour de sa constitution et lors de chaque versement. Ainsi l'État n'ajouterait-il pas au désordre des choses et recouvrirait-il une véritable et si utile capacité à orienter notre épargne privée.

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Commentaires 3
à écrit le 07/09/2011 à 18:03
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Et celui là encore.. Les promesses n'engagent que ceux ou celles qui les écoutent a écrit le 06/09/2011 à 14:08 : Quel est le dilemme aujourd'hui? Réduire à tout prix le déficit public en choississant entre plusieurs solutions présentant certes, ...

à écrit le 07/09/2011 à 17:56
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Tout à fait, cher Monsieur, cela rejoint mon commentaire d'hier... Les promesses n'engagent que ceux ou celles qui les écoutent a écrit le 06/09/2011 à 14:30 : Les solutions: éradication des niches fiscales improductives (Martine Aubry a raison),...

à écrit le 07/09/2011 à 14:42
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Une REGLE juste, pleine de bon sens. Celle ci devrait retenir l'attention du législateur. Tout le monde a a y gagner.

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